L’intelligence artificielle transformera leur vie et sans aucun doute le monde du travail dans lequel ils évolueront. Le baromètre Cirano 2018, paru récemment, fait état de la perception des Québécois face à l’intelligence artificielle.
« Les connaissances des Québécois sur l’intelligence artificielle s’améliorent et son impact sur leur propre emploi les inquiète peu. Ils veulent tout de même faire partie des nouvelles avancées informatiques », souligne Nathalie de Marcellis-Warin, présidente-directrice générale de CIRANO et professeure à Polytechnique Montréal.
Des Québécois sondés pour cette enquête, 53 % estiment pourtant que l’intelligence artificielle occasionnera de nombreuses pertes d’emploi, les plus craintifs s’avèrent être les moins diplômés d’entre eux — 20 % chez les détenteurs d’un diplôme secondaire contre 11 % des diplômés universitaires — et les résidents de la région métropolitaine de Montréal (21 %).
Un Québécois sur quatre s’attend à ce que l’intelligence artificielle affecte ses propres tâches au travail. « Ainsi, 60 % des participants se disent tout de même prêts à se former. Il reste que les gouvernements et les entreprises doivent faire partie de la solution en matière de reconversion, d’autant que l’accompagnement et la formation seront nécessaires », relève la spécialiste de la gestion des risques.
Nombreux seront les secteurs touchés par l’intelligence artificielle et la robotisation : l’industrie 4.0, la domotique, les milieux bancaires et des assurances, mais aussi le domaine de la santé. Pour la chercheuse, il s’agit d’une bonne chose puisque les tâches répétitives devraient diminuer de même que celles qui présentent des risques. De plus, certains métiers sont également appelés à se transformer. « Plus précis et rapide avec moins d’erreurs. La radiologie en est un bon exemple. Mais l’homme sera toujours nécessaire pour interpréter les données », soutient la chercheuse.
Par ailleurs, la protection des données personnelles recueillies par l’intelligence artificielle et les objets connectés reste cependant toujours au cœur des préoccupations des 1013 répondants, apprend-on dans cette enquête.
L’intelligence artificielle et le citoyen
Nathalie de Marcellis-Warin participait au récent évènement Frontière IA pour parler du savoir et de l’intelligence artificielle (IA), plus exactement de la redéfinition du savoir par le big data. « Nous devons démystifier l’IA en tenant un discours équilibré pour ne pas entacher la confiance des citoyens envers la technologie. Il faut parler des risques et des grands enjeux sans être alarmistes », précise-t-elle.
Avec des conférences, des présentations et des rencontres sur le site Le Virage — Campus MIL à Outremont —, l’événement Frontière IA interpelait les citoyens durant trois jours en juin dernier autour de ce qu’apporte l’intelligence artificielle à la ville, au savoir et à l’art. « Il n’y a pas un jour sans qu’on en parle. Il faut y intégrer la dimension citoyenne pour mieux comprendre les impacts qu’elle entraîne sur les humains », explique Catalina Briceno du comité organisateur de MTL\Ville en mouvement.
En invitant les familles à rencontrer les artisans de l’IA, on démocratise cette technologie. Lors de l’événement, le grand public pouvait ainsi voir à l’œuvre des artistes expérimentant et déployant leur créativité avec les ordinateurs, tel que l’artiste multidisciplinaire de Vancouver Ben Bogart et son expérience cinématographique, Watching and Dreaming. « Il y a une réappropriation de la technologie par l’artiste, une approche différente de celle du praticien chercheur qui nous montre l’influence de la machine et l’inventivité de l’artiste », explique encore Mme Briceno.
Le chercheur en intelligence artificielle et responsable de l’équipe Google Brain, Hugo Larochelle, donnait pour sa part une conférence nocturne destinée aux familles. « J’ai quatre filles et je trouve important d’en parler aux jeunes. L’intelligence artificielle fait partie de nos vies et il faut commencer tôt à en parler », affirme-t-il.
Il a donc discuté durant une heure des dessous de l’IA et de l’apprentissage profond (Deep learning), son champ d’expertise chez Google, qui consiste à « apprendre à apprendre », au moyen d’algorithmes simples, à un réseau de neurones artificiels. Il existe déjà des applications concrètes, comme la reconnaissance faciale des téléphones et d’autres plus créatives, comme un assistant pour écrire de la musique. « Il reste pourtant un écart entre l’humain qui apprend avec peu de données et la machine qui en nécessite beaucoup. Ce que nous cherchons à faire c’est réduire la distance entre les deux », convient l’expert.
Pour y arriver, de nombreux travaux de recherche fondamentale en IA seront nécessaires. Des travaux qui exigeront des fonds privés et publics. C’est pourquoi le citoyen doit être convaincu que son avenir passe par l’intelligence artificielle et comprendre les réels enjeux et limites de cette technologie.
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