Dans la ville de Zamana, au Pakistan, un espion américain, poursuivi par des tireurs, riposte et abat plusieurs civils. Pour Nargis et sa voisine Helen, commence alors un long calvaire mêlant religion, violence et beauté.
Publié chez Seuil, Le sang et le pardon, roman de Nadeem Aslam, dévoile un monde auquel l’Occident n’est pas souvent confronté. S’il est vrai que la question de l’importance de la foi musulmane suscite le débat à l’Ouest, dans le Pakistan du roman, être chrétien signifie être un sous-humain.
Ce même pays multiplie pourtant les symboles d’une terrible dualité. D’un côté, le Pakistan est allié des États-Unis, et par extension de l’Occident, entre autres dans sa guerre contre le terrorisme. De l’autre, l’extrémisme religieux est poussé à son paroxysme, et il apparaît ainsi normal qu’à la suite de révélations concernant des relations entre un chrétien et la veuve musulmane d’un terroriste tué par Washington, les musulmans pakistanais, ulcérés, incendient un quartier complet, massacrant au passage tous les non-musulmans qui y vivaient.
Mensonge, tromperie, violence, meurtre, obscurantisme… Tout est rassemblé pour mener à une descente aux enfers, à un livre que l’on lit avec dégoût, en étant repoussé par ces manières barbares, ce misérabilisme transposé en folie meurtrière. Pourtant, ce que l’auteur réussit à faire, c’est opposé cette vision plus que sombre du Pakistan à celle d’un pays où les gens sont bons, où l’on aide son prochain sans égard à sa foi. Un pays où l’intellectualisme, la réflexion et la beauté font mieux que trouver leur place: ils créent leur propre espace, à l’abri de la folie des hommes.
Le sang et le pardon est un roman difficile à lire. La violence que l’on y dépeint est une violence extrême, oui, mais aussi une violence ordinaire, normalisée, intériorisée. Le pire n’était pas l’incendie du quartier des chrétiens, mais plutôt ce garçon désireux de poignarder l’un des personnages du roman pour vérifier si les chrétiens ont bel et bien du sang noir.
Au-delà de toute cette violence, pourtant, on retrouve un calme, une sérénité qui rassure, qui permet d’aller au-delà de la triste réalité. De là à suggérer que la solution se trouve du côté d’une spiritualité agnostique qui s’appuierait sur l’intellect et le beau, il y a un pas que l’auteur ne franchit heureusement pas, mais c’est cette douceur, ce désir de vivre en harmonie avec l’autre qui permet de se rendre jusqu’à la fin du roman.
Une expérience à vivre, donc, ne serait-ce que parce que Nadeem Aslam force une réflexion essentielle.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/07/03/zarathustra-des-hommes-et-des-dieux/