Scénariste du fameux Taxi Driver (1976) réalisé par Martin Scorsese, Paul Schrader troque le chauffeur de taxi pour un pasteur. Sans échapper au mélodrame radical du cinéma américain, le film First Reformed (2017) arrive à semer une série d’interrogations éthiques.
Ethan Hawke (Dead Poets Society, Hamlet, Alive) joue un pasteur qui s’engage à vivre dans une petite église qui date de la colonisation de l’Amérique par le Royaume-Uni. Face à lui-même, il décide de tenir un journal pendant un an et de le détruire à échéance, alors que sa solitude le conduit à l’alcoolisme pour oublier la mort de son fils, en tant que soldat en Irak. Quel personnage tragique! L’événement déclencheur arrive rapidement au commencement du film: une jeune paroissienne enceinte lui demande de venir rencontrer son chum à la maison, qui refuse de rencontrer la pléthore de conseillers d’Abundant Life qu’il considère comme une entreprise.
L’échange entre le pasteur et le chum, qui se trouve à être un activiste environnementaliste, est intéressant, car d’actualité. Son dilemme moral est qu’il ne veut pas élever un enfant qui pourrait subir les conséquences du réchauffement climatique, de par sa faute puisqu’il est le père et pleinement conscient de tout ce que l’humanité ne fait pas pour améliorer son sort par la protection de l’environnement. Ainsi, le pasteur va progressivement adhérer à sa cause tout en maintenant ses obligations de religieux, au point de remettre en question l’Église en se basant sur le parcours de Jésus.
L’image frappante de Robert De Niro avec un mohawk n’est pas très loin.
Avec Donald Trump au pouvoir, disons que le mélodrame radical du cinéma américain nous dégoûte plus qu’à l’habitude. N’empêche que si le spectateur est prêt à l’enjamber, il aura droit à un traitement fascinant d’un fondement de la culture américaine: la religion protestante, comme l’a été le film House of Sand and Fog (2003) pour la propriété privée. Contrairement à la religion catholique, le protestantisme valorise l’entrepreneuriat. Ainsi, Abundant Life est une entreprise qui possède des lieux de culte, qui diffuse des prêches et qui organise des activités pour tous les âges. La petite église tenue par le pasteur n’est qu’un musée à leurs yeux.
Comme dans tous les bons drames, il y a un tiraillement de sorte que le pasteur dépend du financement d’Abundant Life en échange d’une certaine liberté. Lui, il utilise cette marge de manœuvre pour retrouver Dieu dans l’environnement, alors qu’Abundant Life investit dans les industries polluantes.
La scène qui vaut le détour est celle où le pasteur déchu est invité à assister à une table ronde avec la nouvelle génération de croyants.
Inquiétant.