Après la publication du constat que le système éducatif québécois ne forment plus les citoyens de l’essai L’inéducation : l’industrialisation du système d’éducation au Québec de Joëlle Tremblay, les éditions Somme Toute ajoutent à leur collection Parce que demain… réussir l’éducation : pour un accompagnement adéquat de nos talents de Geneviève Dorval-Douville et Jean-François Gingras. Optimiste, l’essai nous éclaire sur le fonctionnement de l’apprentissage dès la petite enfance.
«Tout à coup, on nous sort 1,3 milliards $ et 212 millions $ à dépenser dès maintenant. Les écoles ont trois semaines pour dépenser 15 000 $. Ça rappelle dangereusement, Mme Pauline Marois quand elle était ministre de l’Éducation qui avait mis 230 millions $ pour acheter des milliers d’ordinateurs, un pour dix élèves au Québec. Des ordinateurs qui sont tous morts cinq ans plus tard et les enseignants ne savaient pas comment s’en servir et à quelle fin. Gaspillage pour gaspillage, je crois plus au plan Lab-École qu’au plan numérique du ministre Sébastien Proulx, pour l’instant», a affirmé la journaliste Lise Bissonnette à l’émission Midi info du 5 juin sur les ondes de Radio-Canada.
À ce type d’annonce chiffrée qui n’a ni queue ni tête pour le citoyen moyen, les auteurs de l’essai expliquent que l’orientation du gouvernement pour libéraliser le système des services de garde est erronée. D’une part, l’idée que les réformes basées sur des mécanismes de marché permettent de mieux répondre à la demande à un prix moindre et à meilleure qualité ne s’applique pas puisque la compétition ne permet pas d’éliminer les «mauvaises» garderies. D’autre part, l’analyse économique est incomplète puisqu’elle a été effectuée sur le coût du système de garde, sans tenir compte des effets favorables sur le revenu des familles et de la société, sur les revenus et transferts fiscaux et sur le développement des enfants.
Vouloir économiser de la sorte fait boule de neige dans le cheminement scolaire d’un futur citoyen. Les auteurs insistent sur la première forme d’éducation, le modèle des Centres de la petite enfance (CPE) présenté comme l’une des dernières grandes politiques publiques du Québec. Ils nous révèlent que ni le ministère de l’Éducation, ni les 72 commissions scolaires n’ont dressé un portrait d’ensemble des listes d’attente d’élèves qui nécessitent les services des professionnels spécialisés. Puis, ce sont 17 255 étudiants de niveau cégep qui étaient handicapés ou en difficulté d’apprentissage (EHDAA) en 2016-2017, comparée à 13 910 pour l’année précédente.
Un citoyen éduqué c’est bon pour la croissance économique, faut-il le rappeler?
Social-démocratie
La remise en question de l’éducation ne peut omettre les succès de l’expérience socialiste. «En République démocratique allemande (RDA), les femmes vivaient sous la protection d’un État omnipotent qui maintenait le père et la famille dans une fonction subalterne. Opérée sous l’égide des institutions, la socialisation des enfants eux-mêmes était largement déconnectée de la cellule familiale. Or l’attachement féminin à l’autonomie n’a pas disparu avec le Mur», lit-on dans le Monde diplomatique de mai 2015. Alors que la révolution russe de 1917 a permis d’alphabétiser 5 millions de personnes en 1921 et jusqu’à 7 millions en 1922, rapporte le Monde diplomatique d’octobre 2017.
Aujourd’hui, la Suède a pris le relais par l’intégration des garderies, des centres préscolaires et des écoles dans un continuum éducationnel. L’accent du développement de l’enfant est mis sur le jeu comme au Québec, notent les auteurs. Alors qu’en Finlande, où les élèves occupent les premières positions des tests internationaux PISA, le ministère détermine le contenu des cours, mais laisse une liberté à l’enseignant dans le choix des méthodes d’enseignement. Les stages font partie de leur parcours comme au Québec, notent les auteurs. On compare la situation des enseignants finlandais à celle de plusieurs professions libérales en Amérique du Nord considérées de «haut niveau» à l’instar de la médecine, du droit et de l’ingénierie.
Pour Geneviève Dorval-Douville et Jean-François Gingras qui ont également écrit un essai sur l’aménagement du territoire, il est intéressant de prendre en compte le tiraillement entre la Suède et la Russie et l’éloignement du restant de l’Europe de cette culture. «En Finlande, les choses allèrent encore plus facilement qu’en Suède, car le catholicisme n’avait pas eu le temps de s’enraciner dans les esprits et les mœurs, la Réforme protestante n’eut aucun mal à s’implanter au milieu de l’indifférence générale», écrit le spécialiste des études finno-ougriennes dans son ouvrage Histoire de la Finlande paru en 2010, Bernard Le Calloc’h.
Les paradoxes constitutifs d’une culture favorisent-ils une dialectique identitaire favorable à l’éducation?
Raisonnement équivoque
À mon premier cours d’histoire de l’art au niveau collégial, le professeur nous avait enseigné que les dessins dans les grottes sont à l’origine de l’art. Lors d’un séminaire de maîtrise en études cinématographiques, le professeur recommandait de formuler notre hypothèse après avoir fait notre recherche. Bien que l’homme des cavernes n’eût jamais mis les pieds dans une galerie d’art et que logiquement les réponses suivent les questions, c’est de cette façon que le professeur plante l’universalisme dans l’esprit de l’étudiant.
Cet entendement du système éducatif peut s’illustrer par le matérialisme historique de Karl Marx (1818-1883), une lutte des classes qui transcende l’humanité malgré son apparition dans un espace-temps bien précis au 19e siècle. Le système en soi pose problème. «Il est crucial que les spécialistes des troubles d’apprentissage, les psychologues et les intervenants en travail social se trouvent en nombre suffisant dans nos écoles. En ayant à intervenir à leur place faute de ressources, les enseignants se sentent rapidement dépassés, et on le comprend!», lit-on dans l’essai. La sur-structuration de la tâche de l’enseignant, les paramètres de l’universalisme et le marxisme ont pour socle la philosophie de Hegel (1770-1831).
Pour éviter de vivre dans le film Metropolis (1927) de Fritz Lang ou dans The Lobster (2015) de Yorgos Lanthimos, il faut tenir compte que ce système hégélien rend incompréhensible le «comment», qui est le problème central de toute pédagogie, rapporte le docteur en philosophie Bernard Vandewalle dans son ouvrage Kierkegaard : éducation et subjectivité paru en 2008. De plus, la santé de même que l’éducation sont une tâche infinie sans terme assignable qui nécessite une pédagogie existentielle permanente, poursuit-il. Autrement dit, les balises, les formations et les directives imposées au personnel enseignant restreignent leur autonomie professionnelle en matière de pédagogie.
Quoi penser du cas du professeur de psychologie de l’Université de Toronto, Jordan Peterson émergent de la vacuité du multiculturalisme canadien ? Quoi penser de la popularité du chroniqueur Richard Martineau auprès de la troisième génération qui est passé par un parcours universitaire (re)révisé ? Quoi penser de l’utilisation des réseaux sociaux qui enferme les utilisateurs dans des bulles de radicalisation?
À l’intersection du contrat social et de l’intelligence artificielle, l’environnement n’est-il pas le sentier à emprunter en éducation?
https://www.youtube.com/watch?v=bSHgVAvZXjA
En complément
https://www.pieuvre.ca/2018/06/01/enseigner-levolution-la-bataille-se-poursuit-aux-etats-unis/