Même si l’on participe à un forum virtuel avec des interlocuteurs des 194 pays, c’est souvent par un canal individuel, ordinateur personnel ou téléphone intelligent, que l’on se connecte à la toile. L’exposition Donner corps à l’expérience de l’artiste Rafael Lozano-Hemmer et son équipe présentée au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) jusqu’au 9 septembre propose une expérimentation collective de la technologie.
«La technologie n’est pas le message, ici. Je travaille avec la technologie parce que c’est inévitable. Un individu à Montréal, au Québec, au Canada, dans le monde, écoute en moyenne huit heures de télévision, de téléphone intelligent, par jour. Alors, nous faisons partie de cette technologie. Être en dehors de cette technologie, nous ne savons pas ce que c’est. Pol Pot l’a essayé. Pour moi, travailler avec la technologie c’est faire de la recherche sur nous-mêmes, sur qui nous sommes. Nous ne pouvons être séparés des mécanismes qui cherchent à nous détecter, à nous enquêter et à nous traquer. Ce que vous allez voir dans cette exposition, c’est que nous utilisons la technologie comme un langage, pas comme un outil. Nous la considérons comme partie prenante du langage de la globalisation», a affirmé l’artiste Rafael Lozano-Hemmer en guise d’introduction.
En tant qu’utilisateur nous connaissons la géolocalisation, la reconnaissance faciale et la fonction des algorithmes de nous recommander des sites web en lien avec des recherches antérieures. L’œuvre Zoom Pavilion (2015) réalisée en collaboration avec l’artiste polonais Krzystof Wodiczko aborde cette dimension à l’aide de douze caméras informatisées qui traquent la présence des participants dans la salle et projettent leur image sur les murs. «Quand il n’y a personne dans la salle, il n’y a rien à voir», spécifie l’artiste. Cette réflexion sur l’omniprésence des caméras de surveillance dans les espaces publics aurait été inspirée de l’interdiction d’attroupement illégal de la période communiste en Pologne. En fait, l’installation analyse les relations de proximité entre les visiteurs.
La pièce de résistance est un énorme engin qui évoque un instrument à vent. Vicious Circular Breathing (2013) est une sorte de poumon artificiel composé d’un ensemble de sacs de papier brun qui se gonflent et se dégonflent, de soufflets motorisés et de valves qui contrôlent ces sacs et d’une cabine en verre étanche. À moins que votre profil corresponde aux quatre contre-indications affichées sur le mur, il est possible de passer moins de 10 minutes dans cette cabine pour respirer le même air que les participants précédents. «Si vous participez trop, vous mourrez», spécifie l’artiste. Ainsi, votre participation rend l’air plus toxique pour ceux qui vont vous suivre.
Une autre œuvre nous fait entendre la cacophonie de voix enregistrées individuellement par des participants antérieurs. À l’aide d’un interphone, vous pouvez enregistrer votre message qui sera rejoué pour ensuite laisser la place à la diffusion du premier enregistrement. Ce dernier va quitter la chaîne, sera éliminé en quelque sorte. Cette relation entre la partie et le tout est reprise visuellement dans l’œuvre Pulse Spiral (2008). Une sorte d’énorme luminaire composé de 300 ampoules et de kilomètres de fil électrique installé dans le hall du MAC.
Posture illuminée
Sous le luminaire, il s’agit d’empoigner deux manettes pendant une dizaine de secondes afin que leurs censeurs sondent notre pouls dans la paume de nos mains. Puis la spirale de lumières se met à flasher au rythme de nos battements cardiaques. On lève la tête pour voir. On bombe le torse pour observer l’ensemble du cercle lumineux. L’effet est quasiment transcendant.
Lorsqu’on relâche les manettes, les lumières s’éteignent et une seule s’allume. L’intensité de sa lumière oscille en fonction de notre fréquence cardiaque mémorisée. La seconde suit avec la fréquence antérieure et ainsi de suite, jusqu’à ce que le luminaire se rallume au complet.
Le lieu semble idéal pour contenir l’œuvre et réfléchir sa lumière, de même qu’il ne pouvait y avoir de meilleur choix pour mettre en valeur ce hall circulaire qui sera détruit en 2018.
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