Quatorze années de données satellites révèlent qu’à travers le monde, sur 34 régions-clefs pour l’approvisionnement en eau potable, les tendances, largement à la baisse, peuvent être attribuées à l’humain ou aux changements climatiques dans les deux tiers des cas.
Des études précédentes ont déjà établi que jusqu’à 5 milliards de personnes vivent dans des régions où l’accès à l’eau potable est fragile — ce qui signifie qu’il suffit de peu de variations saisonnières ou annuelles dans les précipitations pour rendre leur situation dramatique. L’apport des deux satellites GRACE, conçus par la NASA et par l’Agence spatiale allemande, et de leurs 14 années de données (2002-2016), est inédit : en mesurant de mois en mois les variations de la gravité terrestre, ils permettent de déduire les variations dans la quantité totale d’eau présente dans chaque région, autant en surface (lacs et rivières) que sous la surface (aquifère). La mission GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment) a pris fin en 2017 et un nouveau duo de satellites doit être lancé depuis la Californie ce mois-ci.
Dans certains cas, la diminution des réserves d’eau est facile à attribuer à une cause unique : le pompage excessif de l’aquifère Ogallala, dans l’ouest des États-Unis, produit un effet mesurable sur la gravité terrestre. Mais la diminution de cet immense lac souterrain — l’un des plus grands du monde — était connue depuis longtemps. En revanche, ailleurs, les causes sont multiples et pas faciles à départager : dans le nord-ouest de la Chine par exemple, la fonte des glaciers, la croissance de la population et l’élargissement des terres utilisées pour l’agriculture, se combinent pour sur-utiliser les cours d’eau.
Ces observations, écrit une équipe américaine dans la dernière édition de la revue Nature, permettent d’évaluer avec précision comment l’environnement « réagit » à l’impact humain et aux variations climatiques, et fournissent du coup un outil pour tenter de s’ajuster: « évaluer et prédire les menaces émergentes pour l’eau et l’alimentation ». Toutefois, encore faut-il qu’il y ait une volonté de s’ajuster rapidement. Parmi les réactions d’experts à la publication de cette étude, on note la « surprise » face à la « force » de l’empreinte humaine et la vitesse à laquelle « nous avons radicalement altéré le paysage de l’eau douce ».