L’OSM présentait mercredi soir un concert dédié exclusivement à la musique de films de science-fiction, reprenant notamment au programme des grands classiques comme 2001 l’odyssée de l’espace, Star Wars ou encore Retour vers le futur. Sans tomber dans la facilité dans le choix d’un tel programme, l’orchestre livra une prestation appréciée des jeunes et moins jeunes spectateurs, mais l’interprétation de l’orchestre semblait, hélas, parfois peu inspirée.
Le monde de la musique de film gagne de plus en plus en popularité parmi un public varié qui se renouvelle sans cesse. Propulsé notamment par le succès des films phares des années 1970 comme Star Wars, ce genre musical aura permis de démocratiser la musique classique chez un plus large public, loin des grands concerts symphoniques parfois considérés élitistes. Or, cette démocratisation prend de plus en plus de vigueur, si l’on en juge par les multiples orchestres plus ou moins amateurs qui parsèment leur répertoire bien garni d’un public de geeks costumés. Lors de la sortie en salle de 2001 l’Odyssée de l’espace en 1968, qui aurait cru qu’un compositeur de musique de film comme Hans Zimmer remplirait des stades entiers et le festival Coachella?
La musique de film mérite tout le succès qui lui revient. Les grands compositeurs des hymnes les plus connus de l’âge d’or du cinéma comme John Williams ou Maurice Jarre se sont tous inspirés d’œuvres classiques du répertoire symphonique. Pour le mélomane qui découvre la magie de la musique classique grâce à la musique de son film préféré, le fil conducteur est ensuite tracé vers la découverte d’œuvres connexes plus intemporelles. Pensons entre autres au Sacre du Printemps de Stravinsky ou au Concerto pour piano No. 2 de Prokofiev, lesquels rappellent étrangement des passages de la Guerre des Étoiles…
Par ailleurs, bon nombre des musiques de films les plus connues du grand public sont des films de science-fiction, source d’un fantasme seventies à propos de la romance du futur. Ponctuées de l’animation efficace et heureuse d’André Robitaille, les pièces proposées hier par l’OSM avaient été spécialement sélectionnées pour leur importance dans ce genre cinématographique bien précis.
À commencer par 2001 l’Odyssée de l’espace de Kubrick, le modèle absolu du genre. Kubrick illustra brillamment les images d’un futur poétique à l’aide d’une trame sonore classique, sans paroles. Geste audacieux pour un film de cette ampleur, la valse de Strauss remplit parfaitement son rôle descriptif d’un ballet spatial et poétique où aucun son n’est perçu dans le vide intersidéral. Malheureusement, l’interprétation par l’OSM du Beau Danube Bleu de Strauss tourna quelque peu au vinaigre, notamment par une imprécision chronique de la clarinette centrale durant les premières mesures, ainsi que par le tempo et une attaque étrangement confuse imposée par le chef Nathan Brock. On aurait aimé sentir toute la grâce et l’élégance de cette grande valse viennoise, l’interprétation semblait au contraire dissonante, brouillonne, bref bien fade pour une scène cinématographique ayant marqué l’imaginaire.
Avec un programme pareil, il aurait été facile de tomber dans une programmation peu inventive. L’interprétation du thème Atmosphères du compositeur Hongrois György Ligeti fut une belle surprise. Cette pièce expérimentale qui chapeaute la découverte du Monolithe dans 2001 l’Odyssée de l’espace est un trésor d’inventivité symphonique, là où le souffle du vent et la sensation d’une voix criarde est recréé de toute pièce seulement par les instruments de l’orchestre. Impressionnant et pratiquement jamais joué dans le contexte d’un concert symphonique.
L’interprétation de la pièce thème de Star Trek et de Retour vers le futur laissa libre cours à des moments précieux pour le public, un petit frisson collectif étant perceptible. Il était également mémorable d’entendre en personne la suite pour orchestre de la trame musicale de Star Wars, jouée par un orchestre professionnel. Malheureusement, le manque de rigueur de l’orchestre vint encore gâcher la fête; le solo de cor du thème de la Force s’achevant sur une note dissonante. Manque de concentration ou de répétition? Un peu comme son public, l’orchestre semblait par moment avoir décollé vers un autre espace-temps…
Pour les mélomanes n’ayant pas encore quitté le sol, l’OSM poursuit ce festival de la musique de film en interprétant en direct la bande sonore du film ET le 22 mai prochain alors que l’organiste David Briggs improvisera la musique du film Dr. Jekyll & Mr. Hyde sur le grand orgue Pierre Béique le 20 mai.
Pièces jouées:
Jerry Goldsmith, Star Trek, Premier Contact
J.Strauss, Le beau Danube bleu, op. 314 (dans 2001: Odyssée de l’espace)
John Williams, E.T. Adventures on Earth
Ligeti, Atmosphère (dans 2001: Odyssée de l’espace)
Alan Silvestri, Retour vers le futur, Suite pour orchestre
John Williams, La guerre des étoiles, Suite pour orchestre
Dvorak, Sérénade en mi majeur, op. 22 : « Larghetto » (dans Arrival)
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/04/27/voyage-musical-dans-limmensite-des-paysages-nordiques/
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