Les gens faisant la promotion de l’ajout d’insectes aux régimes alimentaires humains pourraient exprimer les tendances et habitudes de leurs lointains ancêtres.
En s’appuyant sur une analyse du génome de 107 espèces différentes de mammifères, des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley ont conclu que nos ancêtres éloignés – les petites créatures poilues qui courraient autour des pattes des dinosaures, il y a 66 millions d’années – étaient surtout amateurs d’insectes.
Les scientifiques sont parvenus à cette conclusion en raison du fait que les gènes destinés aux enzymes permettant à ces ancêtres de digérer des insectes étaient encore présents dans presque tous les mammifères contemporains. Même des animaux comme les tigres et les phoques, qui ne toucheraient jamais à des insectes, possèdent des sections non-fonctionnelles de ces gènes au sein de leurs chromosomes, témoignant du régime alimentaire de leurs lointains prédécesseurs.
« Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que si vous regardez des humains, votre chien, votre chat, un cheval, une vache… Prenez n’importe quel animal, celui-ci possède généralement des restants de gènes datant de l’époque où les mammifères étaient petits, probablement insectivores et courraient autour des dinosaures lorsque ceux-ci régnaient encore sur la planète », mentionne le fellow post-doctoral Christopher Emerling. « C’est une signature dans notre génome qui rappelle que nous n’avons pas toujours été le groupes d’organismes dominants de la Terre. En observant nos génomes, nous examinons ce passé ancestral et un mode de vie qui a carrément disparu aujourd’hui. »
Les preuves génétiques prouvent de façon indépendante les conclusions auxquelles étaient parvenus des paléontologues, il y a plusieurs années, en s’appuyant sur la forme des fossiles et des dents des premiers mammifères.
Ces découvertes pourraient permettre de faire la lumière sur d’autres rôles joués par ces enzymes, appelées chitinases, qui se trouvent non seulement dans l’estomac, mais aussi dans les glandes salivaires, le pancréas et les poumons, où elles pourraient être liées à l’asthme.
S’occuper des exosquelettes
Plusieurs bactéries disposent de gènes produisant une enzyme qui digère les carapaces solides des insectes, qui sont formées d’une forme de carbone résistante appelée chitine. Il n’est pas surprenant que les humains et les souris possèdent ce gène, puisque plusieurs humains contemporains mangent des insectes, comme le font des souris.
Mais les humains possèdent des vestiges de trois autres gènes capables de digérer la chitine dans leur génome, bien qu’aucun d’entre eux ne soit fonctionnel. M. Emerling a démontré que ces vestiges génétiques chez l’humains ne sont pas l’apanage de l’Homme ou des primates, mais peuvent en fait être reliés aux mammifères placentaires ancestraux.
Les chercheurs ont constaté que plus un animal mange d’insectes, plus il possède de gènes permettant de digérer la chitine.
« Les seuls espèces qui possèdent aujourd’hui ces cinq gènes sont hautement insectivores, soit pour combler de 80 à 100% de leurs besoins alimentaires. Puisque le premier mammifère placentaire possédait sans doute les cinq gènes, nous croyons que cela veut dire qu’il était lui aussi fermement insectivore », a poursuivi M. Emerling.
Domination des dinosaures
L’histoire racontée par ces gènes est celle des premiers mammifères qui se cachaient pour manger des insectes, alors que les grands prédateurs, les gigantesques dinosaures herbivores comme le brontosaure et les carnivores comme le tyranosaure dévoraient la plupart des ressources alimentaires. Ce n’est qu’il y a 66 millions d’années, à la fin du Crétacé, lorsque tous les dinosaures non-aviaires sont décédés, que les mammifères ont été en mesure d’occuper d’autres niches écologiques, ce qu’ils ont accompli rapidement. Les premiers mammifères carnivores et herbivores, tel qu’indiqué par leurs dents, sont apparus environ 10 millions d’années après la disparition des dinosaures.
Dans le cadre des recherches, les scientifiques ont eu droit à quelques surprises: le pangolin insectivore n’a qu’une seule copie d’un gène capable de digérer la chitine, comparativement à quatre pour le tamanoir. Les bisons, certains singes et le dromadaire n’ont eux aussi qu’un seul gène, alors que les tigres, les rhinocéros et les ours polaires n’en ont aucun.
Toujours selon M. Emerling, les gènes pourraient également permettre de répondre à d’autres questions sur l’évolution des mammifères et leur physiologie.