Que sait-on vraiment de la Russie? Que sait-on de ce pays gigantesque, qui étale sa taille majestueuse de l’Europe de l’Est à l’Extrême-Orient? Dans son plus récent livre, Un continent derrière Poutine?, la journaliste et auteure Anne Nivat tente de déboulonner quelques mythes sur le pays de Vladimir Poutine, des célèbres poupées et des immenses étendues sibériennes.
Tout juste sorti des presses de chez Seuil, l’ouvrage de Mme Nivat témoigne d’un grand voyage, effectué d’est en ouest, de Vladivostok à Saint-Pétersbourg, durant lequel la journaliste rencontrera bien des habitants, des gens simples, des gens ouverts, des gens parfois fermement rangés du côté du pouvoir et du système mis en place par Poutine depuis son accession à la présidence, ou, à l’opposé, des gens qui tentent de lutter contre des barrières qu’ils considèrent immorales, corrompues, gangrenées par l’usure du communisme puis d’un faux-semblant de démocratie.
Les habitants de la Russie sont donc à l’image du pays: nombreux, différents, diversifiés. Près de 30 ans après la chute officielle de l’URSS, ils demeurent tous plus ou moins affectés par l’ombre de l’ancien régime qui plane encore au-dessus de la société russe. Parfois, bien sûr, ils vivent dans de vieux immeubles en béton à la soviétique, grands ensembles de logements sans âme et destinés au peuple. Parfois, ce sont plutôt de nouveaux riches, ceux qui, après 1991 et surtout depuis l’arrivée de Poutine, disposaient des bonnes connexions pour s’en mettre plein les poches.
Tout le monde a son avis sur celui qui ressemble de plus en plus à un « président éternel », d’ailleurs. Probablement parce que la journaliste interroge ses invités sur l’homme fort du Kremlin, mais aussi parce que le chef d’État est synonyme d’une transformation de la Russie en un pays plus sûr, plus solide, pour audacieux, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Au-delà des grands titres de l’actualité occidentale, le portrait est d’ailleurs beaucoup plus nuancé. Car oui, Poutine peut sembler avoir adopté les méthodes du défunt tsar Nicolas II, et avoir assis son pouvoir sur un système de corruption et de népotisme, mais la situation économique et sociale, en Russie, est néanmoins meilleure que ce qu’elle était à l’époque du « chaos » post-URSS.
En ce sens, le Russe moyen n’est aucunement différent du Canadien, de l’Américain, de l’Européen ou de quiconque à la surface de la planète: ce qu’il désire, c’est un toit relativement solide au-dessus de sa tête, un emploi payant suffisamment bien pour pourvoir aux besoins de sa famille, et la sécurité. Jamais vraiment « libre » ni « prospère », la Russie, durement éprouvée par les violents aléas de l’histoire, ne chercherait-elle en Poutine qu’une main courante à agripper pour éviter de perdre pied?
Avec son livre à hauteur d’homme, Anne Nivat offre un point de vue nuancé cruellement absent des dépêches quotidiennes. De là à dire que le régime de Vladimir Poutine n’est pas aussi dangereux que l’avancent certains experts, il y a un pas qu’il ne faudra pas franchir, mais dans un pays où l’opposition est muselée depuis bien longtemps, on se demande honnêtement qui pourrait reprendre les rênes et s’assurer qu’un pays si divers, si gigantesque et si complexe puisse un jour redevenir un membre apprécié de la communauté internationale.
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