À travers Israël, mais surtout à travers la Cisjordanie, il est là: le mur. « Barrière de sécurité » pour les uns, « mur de ségrégation raciale » pour les autres, le ruban de béton serpentant dans les territoires palestiniens a inspiré au dramaturge britannique David Hare un documentaire d’animation contemplatif simplement intitulé Le mur.
Le long-métrage, qui a été sélectionné la semaine dernière pour être projeté en compétition au prestigieux Festival d’Annecy, du 11 au 16 juin, est sorti des studios de l’Office national du film, sous la direction du cinéaste canadien Cam Christiansen.
En déplacement au Proche-Orient, Hare s’intéresse à la relation entre les Israéliens et les Palestiniens et ce mur, symbole par excellence de l’échec des efforts diplomatiques visant à mettre fin au conflit qui ravage la région depuis la création de l’État hébreu en 1948.
Rencontres avec des habitants des deux États, réflexions personnelles, David Hare se présente à la fois comme un dramaturge, un historien et un philosophe. Avec un excellent sens de la formule, il s’interroge: à quoi le mur sert-il donc? Bien sûr, admettra l’un de ses amis israéliens, le mur fonctionne. À preuve, le nombre d’attentats terroristes a largement diminué. Mais les tactiques, rétorque un spécialiste, avaient déjà commencé à changer avant même la construction des gigantesques barrières de béton. Aujourd’hui, le Hamas et les autres groupes terroristes attaquent à la roquette (ou au camion-bélier, pourrait-on ajouter). Et contre cette technique, il n’existe pas de recours.
Mais le mur a un autre impact: il isole les deux peuples, grève un peu plus les espoirs d’une paix négociée entre les deux camps. « Le mur ne les protège pas de nous, il les isole », lance un intervenant palestinien.
Au-delà de ce débat rhétorique, Hare constate surtout que le peuple d’Israël, depuis toujours enfermé dans une logique de survie, semble incapable de se départir de cette mentalité, et ce même si l’État hébreu possède aujourd’hui une armée particulièrement puissante, ainsi que des armes atomiques. On se retrouverait donc avec des Israéliens ayant l’impression d’être menacés, d’un côté, et des Palestiniens opprimés, occupés et écrasés par un appareil politico-militaire prenant toujours plus d’expansion.
David Hare est clairement opposé au mur de sécurité, clairement opposé, en fait, à l’occupation israélienne des territoires palestiniens. En fait, dit-il, sous le couvert de la préservation du caractère millénaire de l’État d’Israël, ces mêmes juifs enlaidissent le paysage, installent des colonies sauvages un peu partout, construisent des miradors et des tours en béton dans Jérusalem. Que reste-t-il à préserver, exactement?
Le dramaturge ne va toutefois pas jusqu’à proposer une solution au conflit israélo-palestinien. Après tout, tous ceux qui s’y sont essayé s’y sont cassé les dents. Voilà, en fait, ce que déclenche Le mur: une réflexion plus philosophique que géopolitique. Un regard différent, original, sur un grave problème mêlant le monde des hommes et celui des dieux. Un beau film sur lequel méditer.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/04/19/lhistoire-dun-pays-entre-les-quatre-murs-dun-appartement/