Immensité des paysages nordiques: voilà le titre que la direction artistique de l’Orchestre symphonique de Montréal avait choisi de donner au concert du 25 avril dernier, à la Maison symphonique. En fait, trois des quatre compositeurs au programme peuvent être qualifiés de nordiques. Il s’agit de Jon Leifs, islandais, Uuno Klami et Jean Sibelius, tous deux finlandais. Le quatrième mousquetaire, pas nordique pour deux sous, Piotr Ilitch Tchaïkovski.
L’OSM était sous la direction d’un autre Finlandais, John Storgards, alors que Augustin Hadelich était le violoniste invité, pour interpréter le Concerto pour violon en ré majeur, op. 35, de Tchaïkovski.
En ouverture de programme, Geysir (Geyser), op. 51, de Leifs. Une pièce que le chef et l’orchestre réussissent à faire sourdre de terre comme un véritable geyser. Au début, un grondement qui semble venir de sous la scène. Puis, on se serait cru dans le roman Regain, de Jean Giono, alors que le soleil redonne vie à la terre et que tout se met à pousser, à se trémousser, jusqu’à l’explosion du bruyant jet d’eau qui assourdit tout, dans un tutti détonnant qui perdure pour finalement s’éteindre dans un décrescendo apaisé et presque primesautier.
Pour poursuivre, voilà le concerto pour violon. Sur l’œuvre, archi connue, il y a peu à dire sinon qu’elle est complète, riche et très généreuse, tout autant qu’exigeante pour le soliste. Et le soliste, ce mercredi soir, était en pleine possession de ses moyens. Il était prêt à affronter la musique et la musique allait bien vite. En effet, il semble que le chef et le soliste se soient entendus pour imposer pratiquement le tempo le plus rapide qui puisse être respecté sans manger des notes, autant pour le violoniste que pour tout l’orchestre. Moi qui ne suis pas particulièrement féru des tempi extrêmes, je trouve que la décision était bien assumée: tout le monde a été à la hauteur. M. Storgards avait l’orchestre dans sa petite poche et s’est montré particulièrement expressif, allant au bout du plus doux comme du plus fort. Peut-être même un peu fort pour les trompettes dans le premier mouvement du concerto.
M. Hadelich, quant à lui, a pris position sur la scène avec assurance et morgue, comme s’il nous mettait au défi de l’en déloger. Il fait subir à son instrument tout ce qui permet à un violon de se sentir noble. Précision, énergie, fougue et lyrisme, voici quelques démonstrations que le soliste a offertes au public qui n’est pas resté indifférent, au contraire. Le même public qui n’a pas pu se retenir, après l’espèce de marathon du premier mouvement, et qui a applaudi à tout rompre, entre deux mouvements. Après un tel accueil, Hadelich était convaincu qu’un rappel s’imposait, avant même l’entracte. Quand il a annoncé le Caprice no. 21, de Paganini, des soupirs d’aise et de plaisir anticipé ont fusé dans l’assistance. Un tel solo a comblé de bonheur un public déjà repu.
C’est en deuxième partie que la plus belle surprise de la soirée s’est produite. L’interprétation d’Aurora borealis, op. 38, de Klami, fut une vraie révélation. C’est une œuvre riche, puissante et très évocatrice. Les cuivres s’y sont distingués et les percussions ont livré une prestation remarquable. La barre est désormais haute pour les chefs qui voudraient tenter d’en faire autant.
Pour conclure, de Sibelius, la Symphonie no.7, en do majeur, op. 105. Une œuvre dont le cœur est un peu difficile à définir, une suite de parties sans trop de direction, quelques belles lignes mélodiques, quelques envolées, mais, ce soir-là en tous cas, rien pour étourdir l’auditoire.