Englouti sous la controverse et démoli avant même d’avoir pris l’affiche, le sympathique I Feel Pretty a des allures de comédie romantique conventionnelle, mais ce qu’il cache sous ses attraits est d’une bien plus grande importance, y déployant l’une des réflexions les plus justes et nécessaires sur l’estime de soi au 21e siècle.
Depuis leur mignon, mais inconséquent Never Been Kissed, le duo de scénaristes composé de Abby Kohn et Marc Silverstein ont joui de l’appui de Drew Barrymore sans nécessairement trouver de projets consistants. À l’exception peut-être du rythmé How To Be Single qui bénéficiait d’une distribution de belle tenue et particulièrement enjouée. Depuis voilà deux décennies, ils s’amusent à décortiquer la romance et les divers barèmes imposés par la société et c’est face à leur réflexion la plus nécessaire qu’ils ont enfin décidé de faire le saut derrière la caméra et d’enfin s’offrir leur première réalisation.
Bien sûr, n’en déplaise à une succession de succès musicaux secondés par les douces mélodies de Michael Andrews qui évoquent le travail de Rob Simonsen, il n’y a rien ici pour révolutionner la comédie romantique habituelle. Toutefois, compte tenu la délicatesse avec laquelle le film traite ses thématiques, c’est probablement pour le mieux.
Comme quoi, si le film semble suivre à la lettre les hauts et les bas de toutes romances, il va au-delà de sa prémisse qu’on a déjà vu à maintes reprises dans d’autres circonstances, soit, cette femme qui après un accident, est convaincue être devenue autre, alors que pourtant, le seul changement qui s’est effectué est dans sa tête. Ici, cette femme ordinaire souffrant d’un certain surpoids face à la moyenne est soudainement convaincue être devenue d’un calibre de top modèle, soit, son souhait le plus cher au monde.
Loin d’être une simple mise à jour sur Shallow Hal et autres propositions du même acabit, là où le film épate, c’est jusqu’où il est prêt à aller pour dénoncer la superficialité projetée par la société au point d’intoxiquer le quotidien, la drague et le bien-être mental et physique des uns et des autres. C’est en mettant le doigt avec une justesse surprenante sur des problèmes très actuels que le visionnement s’avère essentiel tout en y apportant un message plein d’espoir et différent des films du genre à tous ceux qui écouteront cette superproduction qui devient rapidement atypique par sa franchise.
Après tout, on prend soin de nous faire comprendre autant le point de vue intérieur et extérieur de la situation sans pour autant ne jamais nous montrer ce que la protagoniste voit, s’assurant de lui attribuer tous les constats, autant positifs que négatifs, la rendant comme seule maîtresse de sa propre destinée.
Comme quoi, au-delà de cette théorisation de la beauté, le long-métrage y décline mieux que jamais la signification de la beauté intérieure et pousse avec insistance l’importance de l’estime de soi, clairement en voie de disparition d’année en année, démontrant que l’assurance permet souvent de venir à bout des plus grands obstacles.
Avec l’aide d’Amy
Il est certain que d’avoir Amy Schumer comme protagoniste aide beaucoup. Il y a difficilement une actrice et humoriste actuelle plus à l’aise avec son corps et la société pour y incarner toutes les nuances nécessaires sans avoir peur d’aucune forme de ridicule. Bien sûr, on est loin de Trainwreck alors que le long-métrage aurait certainement bénéficié de son apport au scénario, mais disons que l’interprète parvient sans mal à faire passer l’humour face à des situations qui pourraient rapidement tourner au ridicule.
Comme c’est le cas de Michelle Williams qui s’essaie à la comédie, miroitant la performance incognito de Tilda Swinton dans Trainwreck, à l’exception de n’avoir aucun talent pour la comédie et encore moins l’absurde. On aurait dû alors miser davantage sur la pétillante Aidy Bryant ou Sasheer Zamata, deux habituées de Saturday Night Live, qui n’ont aucun mal pour bien justifier leur temps d’écran.
Toutefois, s’il y avait un nom à retenir de tout ce projet, c’est certainement Rory Scovel, qui avec un naturel des plus attachant et désarmant, s’approprie le rôle le plus intéressant du long-métrage pour lui donner toute l’ampleur nécessaire. Un peu comme Bill Hader dans Trainwreck, mais sans trop oser le ton bouffon, Scovel incarne l’intérêt amoureux inattendu de la protagoniste et pourrait difficilement mieux incarner l’homme ordinaire, histoire de ramener constamment sur terre notre personnage principal qui s’enfle peu à peu la tête dans son illusion de la beauté et du succès. Ce choix des plus surprenants permet plusieurs des moments les plus réussis, aidant encore davantage à accentuer l’importance de s’assumer et de s’accepter à part entière.
Plus dramatique qu’on le souhaiterait malgré quelques moments qui font indubitablement rire et sourire, et probablement bien plus long qu’il ne le devrait, I Feel Pretty a néanmoins un message magnifique à livrer et celui-ci est bien clair et précis. On ressort de la proposition plus léger, le sourire aux lèvres, avec l’impression qu’un vent de renouveau attend peut-être les comédies américaines, supposition qui est renforcée par l’arrivée de films tels que Love, Simon et Blockers, apportant une vitrine nécessaire aux films américains qui se défont peu à peu des stéréotypes de convenance. Et ça, disons qu’on pourrait difficilement en être plus satisfait.
6/10
I Feel Pretty prend l’affiche en salles ce vendredi 20 avril 2018.
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