Le rapport au corps sous son côté le plus sombre: voilà ce qui attend les spectateurs de la pièce Déterrer les os, présentée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
Sur une scène tout en long, Charlotte Aubin incarne une jeune femme qui a toujours éprouvé des problèmes avec son image corporelle. Toujours trop grosse ou toujours trop maigre, ce besoin d’arriver au poids idéal – qui n’existe pas – s’est couplé à (ou a provoqué) un sentiment d’anxiété carabiné: peur de déplaire, peur d’être seule, peur de mourir.
Ce violent sentiment d’amour/haine se transpose également dans sa relation avec celui qu’elle convoite depuis des années (Jérémie Francoeur). D’abord élu de son coeur puis transposition de toutes les peurs, de toute la haine que la jeune femme éprouve envers elle-même, ce deuxième personnage permet également de mieux porter sur scène les échanges présents dans le roman de Fanie Demeule qui a servi d’inspiration à cette pièce adaptée et mise en scène par Gabrielle Lessard.
Déterrer les os peut surprendre. Le sujet du poids et de l’image corporelle est abordé de front, parfois crûment – souvent crûment, en fait -, avec une authenticité qui frappe. Il s’agit peut-être simplement de jouer la comédie, puisque nous sommes au théâtre, après tout, mais ce saut dans l’abîme force la réflexion.
La pièce va-t-elle trop loin? Peut-être. Ou peut-être qu’elle ne va justement pas assez loin, laissant derrière elle toute velléité d’attribuer un drame, par exemple. Mais là n’est sans doute pas le but de l’exercice. Ce à quoi le public assiste est plutôt une mise à nu, une façon de décortiquer une psyché complexe grevée par un désir de plaire qui supplante tout le reste, qui occulte tout ce qui pourrait contribuer à une vie saine et épanouie.
Sur scène, Charlotte Aubin se donne corps et âme. Et pendant qu’elle crie, qu’elle pleure, qu’elle arpente l’espace de jeu comme une bête en cage qui chercherait à se départir de son propre corps, on se prend à penser à ce ventre qu’on sent contre soi, à toutes les fois où l’on s’est empiffré, à toutes les fois où l’on a détesté ce surplus abdominal qui semble s’être installé en permanence depuis le début de la trentaine… En sortant du théâtre et en enfourchant son vélo pour rentrer chez lui, ce journaliste a même tenté de pédaler un peu plus vite, un peu plus fort, histoire de brûler quelques calories supplémentaires. Déterrer les os dérange. Et semble prendre un malin plaisir à créer le malaise. Avis, donc, à ceux qui ont peur de ce qui sort du cadre.
Déterrer les os, adaptation et mise en scène de Gabrielle Lessard, interprété par Charlotte Aubin et Jérémie Francoeur.
Donnée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 28 avril.
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