La dictature de Joseph Staline (1878-1953) en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) a été l’une des plus horribles de l’histoire de l’humanité. Le film franco-britannique The Death of Stalin (2017) coécrit et réalisé par Armando Iannucci aborde les lendemains incertains de ce règne absolu entre comédie et tragédie.
Au «ça ne fonctionne pas le communisme» bien répandu dans l’imaginaire collectif de «l’Ouest», le cours élémentaire d’histoire du 20e siècle ou la manne de documentaires historiques apportent de l’eau au moulin en puisant abondamment dans la dictature de Staline pour condamner cette idéologie. Une bonne blague serait de rappeler que cette posture occidentale rend hommage à la volonté de ce monstre moustachu qui semble avoir le même tailleur que le dirigeant suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-Un. Pour mettre ce film révisionniste en perspective et décrocher un rictus, il ne s’agit que de varier ses sources.
«Et nous ne devons jamais oublier qu’au nombre des cartes dont dispose la diplomatie secrète de l’URSS se trouvent l’Internationale communiste et toutes les organisations qui en dépendent. Les staliniens le nient. Mais il reste à prouver que l’Exécutif de l’Internationale, dont le congrès ne s’est pas réuni depuis cinq ans, est soumis à un autre contrôle qu’à celui du comité central du parti russe. Ou bien encore que le titre de secrétaire du parti russe – c’est le seul titre que possède Staline – n’équivaut en fait, en URSS, au pouvoir suprême», écrit la philosophe Simone Weil dans La Critique sociale en 1933.
À entendre la pelletée de jurons «fuck», «shit» et «kiss my ass», ainsi que la présentation esthétique plus que psychologique des ministres de l’entourage du dictateur rappelant les personnages des cinéastes britanniques Guy Richie (Snatch (2000)) et Jonathan Glazer (Sexy Beast (2000)), le Royaume-Uni n’est pas très loin de ce Moscou. N’empêche que ces références cinématographiques sont intégrées avec plus de subtilité que celles d’Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre (2002) d’Alain Chabat. D’ailleurs, ce film est une adaptation de la bande dessinée française du même nom de Thierry Robin et Fabien Nury. Reprenant les clichés de l’URSS, cette satire franco-britannique est tout de même plus fine que le Twist Again à Moscou (1986) de Jean-Marie Poiré.
Officier de l’ordre de l’Empire britannique ayant travaillé pour la British Broadcasting Corporation (BBC), Armando Iannucci pensait-il nous sortir un second La vie est belle (1997) troquant Roberto Benigni pour Steve Buscemi dans le rôle de Nikita Khrouchtchev ? À cheval sur deux registres, les blagues de testicules et autres boutades dignes des comédies de situation ne sont qu’un prétexte à la mise en place de la cruauté du Chef du NKVD, Lavrenti Beria, c’est-à-dire le bourreau de Staline. Le film se termine avec un règlement de compte, de style western avec une réplique cinglante au sujet des origines géorgiennes, pour ne pas dire la race, du condamné ad hoc.
Utiliser les codes de la comédie pour les travestir en tragédie afin de faire l’éloge du recours à la force, c’est étrange. Film historique ou une variante du style de Quentin Tarantino? Dans tous les cas, nous sommes pris au piège d’une pseudo-tragédie et de sa morale grande comme la Russie: faire preuve de force pour répondre à la force.
Un long «tv show» extra moyen.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/04/02/la-desintegration-tranquille-des-derniers-jours-a-shibati/