Les études abondent pour démontrer que l’humain s’indigne des inégalités sociales — en particulier l’écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres. Mais les études abondent également pour démontrer qu’à choisir entre égalité et inégalité, l’humain choisit souvent… l’inégalité.
Le problème vient du fait que dans notre esprit, le mot « inégalité » entremêle plusieurs choses différentes. Une même personne peut être prompte à lutter contre les inégalités raciales ou de genre, mais ne pas percevoir la même injustice au plan économique. Autrement dit, écrivent trois chercheurs de l’Université Yale dans la revue Nature Human Behaviour, si toute forme d’iniquité entre les sexes est décrétée comme inacceptable, à l’inverse, toutes les inégalités économiques ne sont pas perçues comme étant « mauvaises ». Par exemple, 5500 Américains qui se sont fait demander en 2011 quelle serait leur distribution idéale de richesse, ont choisi en moyenne un modèle où les 20% les plus riches détiendraient 30% de la richesse et les 20% les plus pauvres, seulement 10%. Soit très loin du modèle actuel — où 1% de la population mondiale en détient plus que les 99% restants —, mais très loin aussi d’une distribution égale.
Les trois chercheurs de Yale y voient une différence entre inégalité et injustice — ou du moins, la perception qu’en ont les gens. Pour la majorité, une inégalité économique n’est pas mauvaise en soi — tout dépendant du métier, du statut social ou d’autres facteurs — c’est seulement passé un certain seuil — impossible à définir à l’avance — que cette même majorité perçoit que la situation est devenue injuste. C’est aussi ce qui expliquerait que, dans des tests menés en laboratoire où on leur demande de distribuer de l’argent au sein du groupe, la distribution est presque toujours égale — parce que dans cette situation contrôlée où tout le monde est sur le même pied, il semblerait injuste que tout le monde n’ait pas la même somme. « La justice est aussi ce qui nous permet de travailler ensemble au sein de grands groupes », note le psychologue cognitif Mark Sheskin, et notre évolution depuis trois millions d’années a favorisé ce trait — mais jusqu’à un certain point seulement: l’évolution a aussi placé la cupidité « en compétition » avec le désir de justice. Et la suite de l’histoire, on la connaît…
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