L’OSM nous gâtait, en cette riche fin de saison, avec l’une des œuvres les plus poignantes du répertoire liturgique, le requiem de Verdi.
Lors de ce concert digne de mention, une brigade de chanceux a pu apercevoir Kent Nagano diriger ce troublant ouvrage, accompagné sur scène du chœur de l’OSM et des solistes Marie-Nicole Lemieux, Patrizia Ciofi, Ovidiu Purcel et Nicholas Brownlee. Passons outre l’incroyable talent de ces derniers solistes, dont la réputation n’est plus à faire si ce n’est qu’en résumé Marie-Nicole Lemieux vola définitivement la vedette face à ses pairs ce samedi soir.
Il n’en demeure pas loin que ce requiem constitue l’aboutissement ultime de la prose des morts: la transposition du sacré par le profane de la musique. Tous ces intervenants rassemblés formaient assurément l’un des moments les plus forts de la saison.
Ce requiem de Verdi est sans nul doute beaucoup plus sombre et inquiétant que peuvent l’être en comparaison ceux de Mozart ou de Fauré, axés davantage vers le cheminement vers la lumière et la rédemption contenue dans les textes sacrés. Verdi articule plutôt les passages bibliques vers une émotivité sombre, inquiétante, comme une pauvre âme perdue apeurée par l’imminence du jugement dernier dans les profondeurs indéchiffrables de la mort. La contralto Marie-Nicole Lemieux s’illustrait particulièrement dans ce rôle, sa voix parfaitement modulée, soutenue par la laitance d’autres voix de dizaines de choristes et celle de son comparse ténor Ovidiu Purcel.
Le second mouvement, composé en fait de 9 sous-mouvements reprenant les textes bibliques traditionnels du requiem, constitua un véritable marathon pour cette prestigieuse lignée de musiciens. Dès le départ, Verdi sonne le glas de la colère divine en appliquant toute la force possible de l’orchestre. La strophe Dies Irae est d’ailleurs aussi populaire que l’ouverture de Carmina Burana ou le Lacrymosa de Mozart par exemple. Et quelle force ! Quelle prestance ! La cristallinité de l’exécution est à glacer le sang. Tambour battant, la descente aux enfers commence: « Quantus judex est venturus, cuncta stricte discussurus! / Quelle terreur va venir, quand le juge viendra, pour juger tout strictement »
Un autre moment fort fut l’exécution du petit mouvement Quid Sum Miser qui s’ouvre sur une magnifique sous-entremise mélodique au basson. Alors que dans certaines interprétations de l’œuvre le basson se retrouverait enterré derrière les solistes, Nagano a choisi au contraire d’exprimer à l’avant-plan ce magnifique solo dont la tonalité espiègle est dissimulée derrière l’inquiétante trame narrative du requiem.
Mouvement de subsistance s’il en est, les solistes s’illustrèrent particulièrement dans le Lacrymosa. Hommes et femmes solistes se répondent à tour de rôle dans la douleur. Verdi confirme ici un véritable chef-d’œuvre de toute l’histoire de la musique alors que les voix, le chœur, et toute la puissance de l’orchestre convergent vers un point culminant grandiose. Le long « Amen » qui termine le mouvement devient isolé du reste du morceau, et fait l’objet d’un long récitatif à lui seul, évoquant encore une fois l’importance du sacré sur le profane.
Peu présent dans la direction des Requiem – son dernier Verdi remontait à 2008 – Kent Nagano imposa à l’orchestre une tenue « moderne » dans l’exécution. C’est-à-dire que l’orchestre affichait une présence accrue par rapport aux chants qui semblaient davantage relégués à l’arrière-plan, ce qui permit de découvrir certains petits joyaux dans les instruments solos.
Chose certaine, ce requiem mémorable était de bon augure. Entre solistes et chefs invités, Kent Nagano sera de retour le 11 avril pour diriger la 7e symphonie de Bruckner. Fort d’un investissement supplémentaire de 7,5 millions de dollars, l’OSM préparera ensuite sa saison 2018-2019. L’année sera transitionnelle, puisque l’orchestre se cherche un nouveau directeur musical tout en se tournant résolument vers les technologies du 21e siècle.
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