L’heure était à la promenade dans les rues chargées d’histoire de Prague, jeudi dernier à la Maison symphonique, alors que l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) présentait un programme réunissant Mozart et Dvorak autour de morceaux évoquant la capitale de la République tchèque.
L’idée a du bon: après tout, le centre et l’est du continent européen semblent avoir été une source quasi-inépuisable d’inspiration pour les compositeurs classiques. Cependant, force est d’admettre que Kent Nagano et ses musiciens ont failli s’empêtrer dans la solution de facilité consistant à regrouper trois propositions bigarrées au sein d’un programme coiffé d’un titre accrocheur, mais qui ne tient pas toujours la route, une fois les lumières tamisées dans la Maison symphonique.
À vaincre sans péril, l’on triomphe sans gloire, après tout, et la Symphonie no 38 en ré majeur de Mozart, justement intitulée Prague, a certes été bien exécutée par l’orchestre, mais on pouvait s’attendre à plus enlevant de la part du célèbre compositeur.
Par comparaison, le Triple Concerto de l’artiste canadienne Alexina Louie, une pièce commandée à l’occasion du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, en 2017, avait des allures de polar. Une ouverture mystérieuse, presque étrange… Une tension palpable, l’évocation de secrets qu’il sera nécessaire de révéler au grand jour; l’oeuvre de Mme Louie permet au mélomane d’explorer un monde malsain, une sorte de laboratoire secret installé dans un château maléfique.
Mieux encore, les trois violonistes regroupés sur scène pour l’événement, originaire qui de Montréal, qui d’Ottawa, ou encore qui de Toronto, venaient renforcer le dynamisme de la partition. L’oeuvre a la capacité de déranger, certes, mais n’est-ce pas le propre de l’art de sortir la population de sa torpeur en le confrontant à des idées nouvelles?
On peut en dire tout autant de la Symphonie no 8 en sol majeur d’Antonin Dvorak, clou de cette visite à Prague. Dvorak, toujours aussi contemporain et actuel, propose un télescopage musical où les cuivres ont le beau rôle.
Envolées, plongeons, retour (temporaire) au calme… Dvorak s’empare des codes symphoniques et les manipule à sa guise – suffisamment pour retravailler la structure classique de la chose, mais jamais jusqu’au point de sortir entièrement le mélomane de sa zone de confort.
C’est probablement là où Kent Nagano excelle: lorsqu’il se trouve à la limite du dérapage, du décrochage; quand l’énergie de ses musiciens semble pratiquement provoquer des étincelles sur scène. Le voilà, comme un poisson dans l’eau, à contrôler cette force musicale vivante. Pour le chef d’orchestre et ses musiciens, il s’agit probablement d’un état de grâce. Pour les spectateurs, on peut plutôt parler d’un voyage dont on ne voudrait pas revenir.
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