Nous sommes les autres (2017), du cinéaste Jean-François Asselin, et coscénarisé par Jacques Drolet, a été projeté dans le cadre des Rendez-Vous du cinéma québécois 2018. Lors d’une discussion animée après le film, le duo a expliqué qu’ils ont été incapables de le classer dans une catégorie de genre.
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Un grand architecte charismatique disparaît. Sa femme le recherche à l’aide de deux personnages masculins incarnant l’antithèse de son amoureux. Le premier est un jeune architecte qui n’a pas confiance en lui. Ayant fait faillite et une dépression il y a quelques années, il saisit l’opportunité de remplacer le disparu au travail. Le second est un expert en sinistres dont la fougue a été enterrée par la routine. La femme manipule la fragilité des deux hommes pour retrouver celui qu’elle aime ou plutôt son «idéal d’homme», comme l’a fait remarquer une spectatrice. Un peu comme le symbole du recyclage, une dynamique s’installe dans le trio au point de révéler la nature de la femme «engrenage».
Si chaque personnage tend à la déconstruction et à la reconstruction, les uns dans les autres, rendant tout son lustre à la citation du chimiste français Antoine Lavoisier (1743-1794): « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », le choix des acteurs est approprié. La femme est jouée par Pascale Bussières. Avec ses cheveux courts et son allure un peu garçonne, cette actrice incarne une certaine muse d’une certaine mouture du cinéma québécois. Son personnage de Rita dans la démarche improvisée de Charles Binamé du film Eldorado (1995) s’est transporté dans Un 32 août sur terre (1998) de Denis Villeneuve et dans La turbulence des fluides (2002) de Manon Briand.
Bien que Nous sommes les autres (2017) soit le fruit de huit ans de travail, la démarche de Jean-François Asselin et de Jacques Drolet s’inscrit dans cette mouture à laquelle s’ajoute Un crabe dans la tête (2001) d’André Turpin et Possible Worlds (2000) de Robert Lepage. Il s’agit d’un mélange de trois genres : suspense, drame psychologique et film de science-fiction. Tel que noté pendant la discussion après la projection, c’est un type de film froid qui ne nous renvoie pas aux émotions ou à la matérialité de ce qui est montré. Une décantation intelligible dans laquelle se niche à merveille l’acteur pas expressif pour deux sous, Émile Proulx-Cloutier, et l’humoriste Jean-Michel Anctil jouant l’envers de l’humoriste qu’il est.
Ce film est également l’occasion de découvrir une actrice peu connue, Gabrielle Forcier, qui pourrait bien être la prochaine Pascale Bussières, ne sait-on jamais.
Architecture
Jean-François Asselin a expliqué que l’emploi de l’architecture dans le film via le statut, le bureau et la maison a été choisi pour illustrer la structure du récit. Les images de synthèse qui apparaissent lorsque le jeune architecte imagine ses projets sont fascinantes. Cependant, l’élaboration d’une dimension virtuelle se fait au détriment de la trivialité bien humaine.
C’est invraisemblable que l’expert en sinistres faisant un Columbo de lui-même arrive à recueillir autant de témoignages sans s’identifier. Puis, malgré la quête d’exactitude mathématique voulant contrebalancer l’épanouissement d’un personnage par un autre, l’audition n’était pas nécessaire. Il me semble qu’il aurait pris des cours, pratiqué son chant et que sa femme l’aurait déjà entendu.
La définition dans le regard de l’autre ou le temps qu’on perd à se définir dans le regard de l’autre est la réflexion qui soutient le film, a confié Jacques Drolet. Ainsi, ces deux créateurs ont le mérite de ne pas faire intervenir des rastaquouères pour traiter cette problématique à l’écran.
À ajouter à sa liste de films à voir.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/02/27/la-part-du-diable-remonter-cette-revolution-sur-pellicule/