Amok, le journal d’un fou d’amour, pièce française qui a fêté sa 300e représentation à Montréal, était à la Cinquième salle pour quatre représentations.
En 1922, alors que de grands changements sociétaux ont lieu en Europe et que les théories de Freud révolutionnent la manière de comprendre et d’analyser les comportements humains, Stephan Sweig publie une nouvelle tourmentée sur le récit d’un homme en proie aux remords et à la folie.
Nous sommes en 1912, et dans la cale d’un paquebot, un médecin se confie à des inconnus. Il raconte des événements qu’il a lui-même vécus, en Malaisie, où il exerçait la médecine pendant cinq ans. Manifestement très troublé par ces événements, il implore secours et bienveillance et cherche d’une certaine manière, à trouver le salut.
Le texte, adapté par l’interprète Alexis Moncorgé lui-même, est à la fois très actuel et très daté. Certains postures et vocabulaires heurtent nos oreilles d’aujourd’hui. L’homme est un colon blanc qui exprime beaucoup de condescendance à l’égard du peuple autochtone des colonies où il a été envoyé, en plus de faire preuve d’un rapport quelque peu misogyne envers la femme. Il faut bien évidemment replacer ce discours dans le contexte de l’époque, et, puisque la pièce ne fait pas l’apologie de ces principes, reconnaître dans les comportements présentés, un portrait peu glorieux, mais toujours témoin des complexités et des sombres méandres de la nature humaine.
Un seul acteur porte le texte à la scène avec beaucoup de force d’interprétation. Les passages dansés portent beaucoup de grâce et d’intensité et si le décor est minimal (c’est une pièce à petit budget), les lieux et espaces du récit sont toujours bien représentés grâce à une scénographie qui fait bon usage du symbolisme. Les jeux de lumières et d’obscurité font la part belle à l’ambiance surréaliste et tourmentée du récit ténébreux de Sweig. On y voit le délire de l’homme, on y sent la chaleur de l’Asie. On est tenu en haleine dans cette course effrénée de l’homme fou qui sombre. Entre cauchemar et réalité. Miroir intéressant d’une époque hantée et pourtant très vivante. Un beau moment de théâtre.
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