C’est un fait, au Canada comme ailleurs, les grands noms de l’univers numérique, les Facebook, Google, Amazon, Apple et Microsoft de ce monde – GAFAM pour les intimes -, continuent de consolider leur importance et leur force en ligne. Selon la plus récente édition du Rapport sur les tendances du Fonds des médias du Canada, toutefois, les consommateurs sont de plus en plus à la recherche d’alternatives viables.
« La technologie est-elle une alliée ou une ennemie dont il faut craindre les conséquences? » La phrase n’est pas extraite d’un ouvrage de science-fiction, mais plutôt du document intitulé Le choc du présent, publié mercredi par le Fonds. Fausses nouvelles, algorithmes en folie, limites bien réelles des empires du numérique… le rapport répète tout haut ce que bien des personnes pensent tout bas: la technologie n’a pas réponse à tout, et devant une absence souvent criante de législations appropriées, les grandes entreprises ont toute la latitude pour agir comme bon leur semble, quitte à se tromper, voire à mettre en danger la vie démocratique et le filet social.
Dans cette époque du tout au numérique, certaines tendances étonnent quelque peu. D’abord, si la popularité des téléphones intelligents, tablettes numériques et autres téléviseurs connectés continue de croître au pays, le Canadien moyen continue de consacrer un peu moins de 30 heures par semaine à l’écoute de la télévision traditionnelle, contre une vingtaine d’heures passées en ligne.
De cela découle un marché évalué à 17,9 milliards de dollars pour l’univers de la télévision, contre 3,7 milliards pour les jeux vidéo, ou encore 255 millions pour le cinéma.
Impossible, toutefois de se méprendre sur l’importance du web, du moins chez les annonceurs. Sur un graphique, les tendances des dépenses publicitaires sont claires: si l’argent consacré à la pub à la télévision traditionnelle est en légère baisse, avec 3,1 milliards de dollars dépensés en 2016, sur le web, le montant atteint presque le double, avec 5,4 milliards pour la même année.
Et pourtant, malgré tout cet argent et cet intérêt marqué des producteurs et des distributeurs de contenus pour les déclinaisons numériques – et surtout le temps passé sur un appareil ou un autre, grande source de revenus publicitaires -, des gens comme Netflix semblent voir leur progression plafonner. Au pays, c’est environ la moitié des ménages qui sont abonnés à l’entreprise américaine de diffusion de films et téléséries en ligne. Et la différence entre les anglophones et les francophones est frappante: si plus de 50% des anglophones sont abonnés, moins de 30% des francophones ont dit oui à la compagnie qui dépense des milliards en contenus originaux chaque année.
Le retour d’un média jamais vraiment parti
Ensuite, la baladodiffusion, ce qui est grossièrement le transfert de la radio traditionnelle vers des plateformes numériques, continue de gagner des adeptes, entre autres avec l’apparition de séries telles que Serial, qui ont connu un très grand succès aux États-Unis, mais également au Canada et ailleurs dans le monde.
Le phénomène ne date pas d’hier, mais l’écoute de telles émissions audio est passée, aux États-Unis, de 12 heures et huit minutes par semaine en 2016 à 14 heures et 39 minutes en 2017. Au Canada, la croissance se décline plutôt sous la forme d’une progression de cinq heures d’écoute hebdomadaire en 2015 à un peu plus de six heures en 2017.
Surprenante, cette tendance? Pas tant que ça, explique le rapport du Fonds des médias du Canada, qui rappelle que les gens consacrent toujours davantage de temps à l’écoute de la radio, pendant une journée, qu’à la navigation sur les réseaux sociaux.
Repenser la publicité
Dans cet univers qui poursuit sa lente mutation, la question de la pertinence de la publicité se pose. Le modèle actuel demeure pertinent, lit-on dans le rapport, mais les structures existantes ont été vivement prises à partie, plus particulièrement sur Facebook, où des gens mal intentionnés ont profité des méthodes peu exigeantes du géant pour faire la promotion de fausses nouvelles, de contenus extrémistes, ou encore de points de vue destinés à alimenter la confusion et la colère sociale.
Facebook, d’ailleurs, forme avec Google un quasi-duopole en matière de revenus publicitaires en ligne, les deux compagnies accaparant environ les trois quarts de l’argent placé en publicité numérique. Au total, note le Canadian Media Concentration Research Project, « les dix plus grandes sociétés d’internet obtiennent 87% des revenus totaux, comparativement à 77% en 2009 ». Une situation qui, bien logiquement, en préoccupe plus d’un.
Il faut changer le modèle, soit. Mais le changer pour quoi? Le modèle par abonnements pour des contenus journalistiques, par exemple, fait peu à peu son chemin, mais il s’agit uniquement d’un très timide retour du balancier pour des médias exsangues après 20 ans de pertes de revenus au profit du web. Et pour les autres, il y aurait peut-être la chaîne de bloc, blockchain de son nom anglophone, la technologie derrière le bitcoin. Un bictoin qui, faut-il le rappeler, a provoqué une bulle spéculative, et dont la valeur particulièrement incertaine semble surtout ouvrir la porte à de la fraude et à des arnaques financières, bien loin des services et produits encadrés par les autorités réglementaires existantes.
Poursuivre la marche vers l’avant
Malgré toutes ces réserves, le rapport est formel: il sera particulièrement difficile, voire impossible, de revenir en arrière. Intelligence artificielle, algorithmes, place encore plus grande réservée à l’informatique, au numérique… L’avenir semble appartenir aux zéros et aux uns.
Ce que le Fonds des médias du Canada entrevoit, c’est un monde comportant davantage de garde-fous, mais où les créateurs de contenus disposeront de davantage d’options pour laisser libre-cours à leurs envies artistiques, d’abord, mais où ils auront aussi plus de choix pour tenter de gagner correctement leur vie.
Il suffit, soutient-on, de continuer de garder l’esprit ouvert et de se montrer critique des initiatives, qu’elles soient nouvelles ou déjà existantes.
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