On croyait le conflit derrière soi; on espérait, après la tragédie d’une Terre sciemment bombardée par des astéroïdes, et la fin d’un mouvement extrémiste, que le calme et la paix allaient revenir dans le système solaire et sur les colonies humaines essaimées à travers la région galactique. On se trompait.
Pour ce septième épisode de la saga de science-fiction The Expanse, on craignait surtout que James S.A. Corey, le nom de plume de Daniel Abraham et de Ty Frank, manque d’inspiration et mette fin à une série prolifique et fort appréciée. Et bien honnêtement, à la lecture du sixième livre de la série, Babylon’s Ashes, ce journaliste estimait à l’époque que la boucle était bouclée.
Voilà pourquoi, sans doute, Persepolis Rising, plus récente déclinaison des aventures spatiales de James Holden et de son équipage à bord du Rocinante, débute après que 30 ans se furent écoulés dans cet univers littéraire. Les personnages ont vieilli, le vaisseau aussi. Une paix fragile règne aussi dans l’espace humain, avec un syndicat des transporteurs contrôlant de facto le transit des matériaux et des hommes entre notre système solaire et les 1300 colonies humaines réparties à travers un réseau extraterrestre de portails toujours mal compris, mais néanmoins exploités.
Même la Terre, dévastée par un bombardement sans précédent deux livres auparavant, et que l’on croyait morte, a réussi à renaître quelque peu de ses cendres. Bref, la paix règne généralement dans la galaxie.
Voilà exactement le moment choisi par Laconia pour tenter de s’emparer du système solaire et de créer un tout premier empire galactique.
Lors du précédent épisode, une partie de la flotte militaire de Mars avait profité du chaos déclenché par les extrémistes de la Free Navy pour s’enfuir dans un système à peine exploré et empêcher toute poursuite en annonçant que n’importe quel autre vaisseau désirant suivre la flotille serait instantanément détruit.
Trente ans plus tard, le système solaire a oublié les gens de Laconia. Mais les Laconiens, eux, ont poussé plus loin les expériences sur la protomolécule – la création extraterrestre qui a tué (et transformé) les habitants de la planète naine Ceres, dans le premier livre, avant de précipiter ladite planète dans l’atmosphère toxique de Vénus, où elle a créé un portail spatial qui a ouvert la voie vers ce qui est devenu les colonies humaines sur d’autres mondes.
Sans vouloir tomber allègrement dans le territoire des divulgâcheurs, Persepolis Rising représente à la fois un vent de fraîcheur pour une série qui laissait apparaître une certaine fatigue, mais aussi un cliché littéraire comme l’on en retrouve malheureusement trop en science-fiction.
Jouer sur un thème connu
Le titre même du livre ne laisse que peu de doutes: on évoque bien entendu l’apparition de l’Empire perse, celui de Darius et de Xerxès, cet empire qui allait de la Grèce à l’Afghanistan. Une puissance apparemment indomptable, un tyran surpuissant, à qui rien ne semble résister.
La notion d’une puissance impériale dans l’espace est tout sauf nouvelle. L’Empereur Ming dans Flash Gordon, Palpatine et ses sbires dans Star Wars, même Starship Troopers et sa propagande fasciste entre dans le moule – et ce, malgré toute l’ironie contenue dans l’oeuvre cinématographique, et la critique du complexe militaro-industrielle du livre.
Lorsque l’on manque d’imagination, créer une puissance militaire qui n’a d’autre but de conquête que la conquête elle-même, le pouvoir pour le pouvoir, est un recours scénaristique facile. De fait, la plupart des personnages provenant de Laconia ânonnent constamment les mêmes principes philosophiques vides de sens. Le méchant mérite de régner car il est le plus fort, dit-on en substance.
Et pourtant… et pourtant, peut-être que The Expanse était justement coincé dans un certain marasme scénaristique en raison de ses personnages trop nuancés, trop complexes. La guerre larvée entre la Terre et Mars a fini par éclater; les tensions entre les planètes intérieures et colonisatrices et les « colonisés », les Belters des astéroïdes et au-delà, ont atteint un point culminant avant de retomber. Il fallait probablement un ennemi facilement identifiable, d’autant plus que l’on évoque 30 ans de paix relative entre les diverses factions avant que Laconia et sa technologie avancée ne vienne donner un coup de pied dans la proverbiale fourmilière.
Voilà donc comment l’on dévore ce Persepolis Rising: à la fois en se réjouissant d’avoir une nouvelle série d’aventures spatiales à se mettre sous la dent, mais aussi en déplorant quelque peu que les deux auteurs aient décidé de sortir un lapin de leur chapeau pour relancer ce space opera.
Étonnamment, pourtant, certaines ambitions de Laconia, qui finissent par se dessiner au fil des chapitres, sont certainement fort intrigantes. De quoi nous mettre l’eau à la bouche pour la suite.
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