« N’ayez pas peur », peut-on lire sur la tombe du défunt leader souverainiste Jacques Parizeau. Il n’est donc pas étonnant que dans son essai publié chez Atelier 10, la maison d’édition du magazine Nouveau Projet, que Jean-Martin Aussant ait choisi la phrase Résister à l’imposture des peurs comme sous-titre.
Émule de Parizeau, Jean-Martin Aussant, après son fracassant départ du Parti québécois, sous Pauline Marois, et sa création d’Option nationale, est revenu depuis quelques années au Québec, après un « exil » à Londres.
Alors que sa première formation politique flirte aujourd’hui avec la peur de l’autre pour éviter de perdre des voix au profit de la Coalition avenir Québec, et qu’Option nationale a été fusionné à Québec solidaire, il est normal de s’interroger quant à la pertinence du court essai de M. Aussant.
Les plus pessimistes diront que le Québec est passé à autre chose; que la fièvre référendaire s’est bel et bien éteinte après l’échec de la tentative de 1995, et que la sociale-démocratie a vécu, aujourd’hui remplacée par des discours creux sur l’économie, une austérité quasi permanente et des cadeaux préélectoraux qui, sous couvert de « redonner de l’argent aux familles », servent en fait à ramener le Québec plusieurs décennies en arrière en sabotant les services sociaux.
Fort heureusement, M. Aussant ne fait pas partie de ces gens. Naïvement ou non, il reprend le flambeau de l’espoir d’une société ouverte, inclusive, et surtout l’espoir d’une formation politique clairement indépendantiste qui affirme clairement ses convictions de centre gauche, voire carrément de gauche.
À l’heure des demi-vérités, voire des mensonges éhontés, la franchise de M. Aussant fait plaisir à voir. Que l’on soit de gauche ou de droite, force est d’admettre qu’aucune des grandes formations politiques pouvant espérer former le prochain gouvernement du Québec n’a de véritable projet de société. Après tout, créer des emplois, « retourner de l’argent dans les poches des contribuables » – une autre façon de dire que l’on coupera dans les services publics -, ou encore offrir un deuxième bain par semaine aux aînés ne sont pas des projets de société. Tout au plus, ce sont des pansements apposés sur la plaie de l’indifférence de la société québécoise.
Si M. Aussant, et ce bien qu’il s’en défende, présente clairement son manifeste politique dans cette Fin des exils, cet essai représente quelque chose qui a été si longtemps laissé de côté qu’on lui prête aujourd’hui un parfum de nouveauté: l’espoir. L’espoir d’un projet centralisateur, rassembleur. Autre chose qu’un héritier politique qui s’amuse à montrer ses bas, ou qu’un ancien banquier qui se donne des airs de jeune premier pour mieux se camper au centre. Le Québec mérite de l’audace politique, une meilleure redistribution des richesses, un développement économique responsable et encadré par des normes environnementales solides. Le Québec mérite mieux que le cynisme, l’indifférence et le syndrome du « tous pareil ».
Le Québec mérite-t-il un autre parti de gauche, ou une nouvelle course à la chefferie du Parti québécois où Jean-Martin Aussant aurait le dur rôle à jouer d’ancien député revenant au bercail? Qui sait… En attendant, il est grand temps que l’exil de l’espoir politique et sociétal se termine.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/01/07/relire-le-che-en-2018/