Jusqu’où un biopic peut-il aller, entre la dérision et la rédemption, pour trouver son équilibre? La réponse ne se trouve pas nécessairement dans l’explosif I, Tonya, qui ne sait pas toujours sur quel pied patiner, n’en déplaise à l’énergie électrisante de sa distribution.
Connaît-on réellement une histoire qui a fait le tour des médias? Probablement que non.
En tenant compte du côté subjectif de toute histoire, et d’une large panoplie de procédés cinématographiques, que le film sur l’ex-patineuse artistique Tonya Harding se lance dans toutes les directions pour raconter l’envers du décor, mais, surtout, divertir, priorisant l’humour même dans les situations les plus dramatiques.
Le réalisateur du long-métrage, Craig Gillespie, a tout sauf un parcours typique. Après tout, il a autant tourné Mr. Woodcock et Lars and the Real Girl que le remake de Fright Night. Il s’est toutefois dernièrement spécialisé dans les faits vécus en offrant le charmant Million Dollar Arm et le plus convenu The Finest Hours pour Disney. Cette fois, le fait de s’associer avec Margot Robbie – qui essaie de retrouver l’élan que lui a offert The Wolf of Wall Street, tout en étant propulsée par la folie de son rôle d’Harley Quinn dans le détestable Suicide Squad – permet de miser fort sur l’irrévérence dans un film biographique éclaté, vulgaire et violent qui ajoute son grain de sel à une histoire qui peut certainement se comparer aux jeux d’arène de l’époque des gladiateurs.
Il demeure alors surprenant de découvrir que le scénario est écrit par nul autre que Steven Rodgers, habitué des films beaucoup plus lisses et moins malicieux.
Certes, on retrouve un leitmotiv dans les familles dysfonctionnelles et les amours compliqués, mais c’est tout un revirement de carrière pour celui qui compte autant Stepmom, Kate & Leopold et Love the Coopers sur sa feuille de route.
On doit probablement à Rogers le revirement plus dramatique et larmoyant qui survient à mi-parcours d’I, Tonya, lui qui s’est aussi assigné le rôle de producteur.
Il ne faut pas non plus oublier Margot Robbie, qui s’offre le rôle principal en s’y dévouant corps et âme, et ce alors qu’elle n’a franchement pas l’âge de l’emploi.
Il serait simple de dire que cela ajoute à la caricature volontaire de l’ensemble. Après tout, le film se fait grandement plaisir avec ses segments documentaires et ses discours adressés à la caméra et au public, mais les problèmes de distribution clochent franchement, surtout face à l’impériale Allison Janney; cette dernière éclipse tout le monde avec sa composition époustouflante de LaVona Golden, l’infâme et singulière mère de l’athlète.
De son côté, et malgré sa courte présence à l’écran, la jeune Mckenna Grace continue de surprendre. Quant à Sebastian Stan, il est facilement plus nuancé et plus satisfaisant que dans les films de Marvel auxquels il participe, et ce même s’il est bizarre de le voir dans un film semblable à The Bronze, sorti il y a moins de deux ans.
Hélas, rien n’est ici assez puissant pour justifier l’écoute du film sur l’unique base de sa distribution. N’en déplaise à Mme Janney, qui n’a plus besoin de prouver l’étendue de son talent.
C’est finalement l’aisance de Gillespie qui sauve la mise. Avec un rythme bien réglé, un montage vif et une utilisation intelligente de la musique, qui marie succès d’époque et compositions de Peter Neshel, le film est agréable et d’une fluidité épatante.
Mieux encore, les scènes de patinage sont époustouflantes et celles des compétitions nous rivent sans mal sur notre siège.
À force de vouloir expliquer l’inexplicable, de vouloir tout justifier et de faire de la protagoniste une martyre des suites des gestes de tous ceux qui l’ont entourée, on finit par perdre le fil, en plus de réaliser que le tout est foncièrement fort subjectif, la véritable ex-patineuse ayant collaboré à ce film sur sa vie.
Disons que dans le genre, il y a certainement eu plus ambitieux, audacieux, réussi et satisfaisant que I, Tonya.
Le film a quelques bonnes idées divertissantes, mais sans plus.
6/10
I, Tonya est à l’affiche en salles depuis le 5 janvier dernier.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2017/12/26/mollys-game-pauvres-riches/