Si les comédies québécoises et les suites ont la cote, on mise toutefois sur l’originalité pour terminer l’une des années cinématographiques les plus lucratives depuis belle lurette. Reste à voir si les valeurs sûres sur lesquelles on mise sauront rallier le public pendant cette période où l’on aime tant se rassembler et… se cajoler.
Des vedettes membres d’une distribution prestigieuse qui offre de l’espace aux vétérans, mais aussi à une jolie relève; une personnalité connue indispensable pour le public québécois; un réalisateur sympathique et talentueux; un sujet osé, et le scénariste des films Le bonheur de Pierre, Le sens de l’humour et Idole instantanée. Combien d’erreurs pourra-t-on relever? Plusieurs, sans doute, mais commençons tout d’abord par établir que Le trip à trois est certainement moins pire que ce à quoi on pouvait s’attendre.
Ce n’est pas faute d’utiliser à bon escient plusieurs excellents comédiens, ou parce que l’on ne développe pas suffisamment les thématiques déployées à travers cette histoire pourtant toute simple, mais surtout parce que Nicolas Monette réalise ce film avec un panache et une aisance certains. Et s’il a recours à des pratiques tenant plutôt du petit que du grand écran – tic du métier, sans doute –, il parvient à rendre l’ensemble fluide et, surprise!, tout à fait écoutable.
Après tout, Le trip à trois est une idée originale de Monette, à laquelle s’ajoute les jolies compositions de Frédéric Bégin, en plus d’une excellente sélection de succès musicaux, certes prévisibles et familiers, mais bien accueillis.
La prémisse est simple: la romance du quotidien est mise à l’épreuve et un couple établi aurait besoin d’un peu de piquant pour raviver les étincelles du passé (ou du moins de les allumer tout court, c’est selon). C’est la crise de la quarantaine qui rencontre l’immédiateté du 21e siècle, en se payant une virée dans l’opinion publique de ce qui est acceptable ou non à notre époque en matière, entre autres, de relations personnelles et de pratiques sexuelles.
Le programme semble chargé, mais on ne complique jamais trop les choses, pour plutôt rester en surface. Ce n’est pas The Lobster, après tout!
Simplicité
Ainsi, malgré la farandole de personnages caricaturaux et éclatés qu’on met sur le chemin de notre protagoniste (puisque oui, rien n’est plus 2017 que de donner une approche féministe à l’ensemble), on garde la tête bien haute et on se concentre sur des priorités simplistes, avec ici cette vieille idée du road-movie de la conquête sexuelle.
Il y a bien plusieurs moments ingénieux et des gags qui font sourire, plutôt que de faire rire aux éclats – et on évite par ailleurs d’étirer la sauce de la fin de la télésérie Les beaux malaises –, mais petit à petit, on est rattrapés par le contexte douteux de la plupart des messages transmis.
Habituellement, on ne s’en ferait pas trop avec ce genre de choses, mais en donnant à l’histoire un aspect tout à fait réel, et en s’attardant sur le drame des petites familles et des coeurs esseulés, on empêche de plonger franchement dans l’absurde. Une absurdité qui semblait pourtant nourrir le film depuis ses débuts.
On aimerait croire aux déclarations sur le couple, mais difficile de croire à la sincérité de la chose alors que les personnages principaux sont si peu crédibles, n’en déplaise à la chimie un brin palpable entre la délicate Mélissa Désormeaux-Poulin (plus en contrôle que jamais, ironiquement), et son comparse humoriste qui retourne finalement au grand écran, histoire de faire oublier Nitro.
Il y aurait ainsi beaucoup mieux à faire avec toutes ces intrigues secondaires qu’on laisse quelque peu en plan – histoire d’attendre la suite, peut-être? Qu’il s’agisse de la relation fraternelle du personnage principal avec Bénédicte Décary, du lesbianisme refoulé jamais complètement assumé avec Catherine Bérubé ou avec la pauvre Geneviève Schmidt confinée au rôle de bouffonne de service, ou encore des rôles d’Anne-Élisabeth Bossé ou de Julianne Côté, cette dernière méritant mieux, pour se refaire une beauté cinématographique après Ça sent la coupe, histoire de rappeler qu’il y a déjà eu l’immense Tu dors Nicole.
Le trip à trois permet néanmoins de favoriser les discussions entre les hommes et les femmes à propos des combinaisons possibles entre les sexes, voire alimenter des questionnements brûlants sur le couple et sur les gestes à poser pour faire perdurer celui-ci à une époque de divorces, de séparations, et de relations souvent trop courtes.
Malheureusement, à l’exception de faire rire gras, de s’en remettre aux gags faciles pour divertir (les mères indignes et les hommes soumis et égoïstes en prennent pour leur rhume), ou encore de banaliser ce qui n’est pas « commun », voire de généraliser le BDSM, disons que cette comédie légère ne relève aucun défi digne de ce nom tout au long de ses 90 minutes et laissera sur leur faim ceux qui sont à la recherche de véritables réponses.
Puisque la réalité n’est pas celle qui est montrée à l’écran, les éléments déclencheurs exposés ici sur la poursuite du désir et la réalisation de fantasmes font partie intégrante d’une situation certainement beaucoup plus sérieuse que l’on voudrait avouer.
Une fois que le spectateur entamera sa propre réflexion, que ce soit à propos de lui-même ou des autres, ceux qui osent explorer – bien souvent au risque de faire de la peine à une autre personne –, disons qu’il ne saura plus trop s’il aura envie de rire.
Le trip à trois cherche à faire rire, certes, mais aux dépens des autres, en affichant l’égocentrisme « trop beau pour être vrai » de ses supposés héros, et en ne laissant que bien peu de place aux réflexions sur les dégâts provoqués par les démarches des personnages.
5/10
Le trip à trois prend l’affiche en salles ce mercredi 20 décembre.
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