Avec une offrande par année depuis des décennies, on le sait depuis longtemps qu’avec Woody Allen, il faut en prendre et en laisser. Toutefois, il est habituellement confortable de le retrouver alors qu’il expose ses très nombreuses névroses à l’écran, qu’il se mette en vedette ou utilise un avatar pour se personnifier.
Cette fois, le film est un grand ennui pourtant magnifiquement mis en images, ce qui vient ajouter au grand désespoir qui se produit autant sous nos yeux que dans notre esprit.
Les amours impossibles, les remises en question, l’infidélité, le désir, les dépressions, la raison versus la passion…. Disons que les thèmes de Allen sont nombreux, mais se suivent et se ressemblent constamment.
Il est ainsi difficile de ne pas y voir une redite.
Bien sûr, il nous offre un film d’époque comme il aime bien le faire – en nous transposant cette fois dans le Coney Island des années 1950 -, et utilise Kate Winslet qui se dévoue corps et âme dans un rôle de femme au bord de la crise de nerfs.
L’actrice ne fait d’ailleurs qu’une bouchée de la maigre distribution que n’arrivent certainement pas à élever la fragile Juno Temple, l’anodin Justin Timberlake et le fade Jim Belushi en mode John Goodman, mais sans le talent.
Polar
Artiste déchue recyclée en serveuse avec un homme qu’elle n’aime pas et un fils pyromane, Ginny s’approche de plus en plus du gouffre, lorsque la fille de son copain arrive à l’improviste après avoir fui son mari gangster et que sa relation secrète avec un sauveteur commence à battre de l’aile.
C’est une prémisse digne d’un polar qui devrait entraîner un certain suspense, et pourtant, l’histoire en soi ne lève jamais. Pire, en utilisant une femme en guise de protagoniste, on a l’impression de se faire redire le génial Blue Jasmine, mais dans une version considérablement inférieure.
C’est bien dommage, puisqu’avec ce mélange toujours astucieux d’humour (souvent noir), de drame et de suspense, on aurait pu offrir davantage de folies (comme dans le génial Midnight in Paris) et profiter bien davantage de la psychologie surdéveloppée de ses personnages, alors que la complexité de la protagoniste déboule toujours vers des nuances de plus en plus inquiétantes.
C’est d’autant plus désolant de voir cette somptueuse reconstitution d’époque n’être que terriblement accessoire, n’apportant que bien peu dans cette mise en scène terriblement théâtrale.
Le film pousse ainsi ses monologues et ses dialogues dans des chorégraphies limitées par les lieux. Sauf que rien ne bat la désolation de voir le travail immense du directeur photo Vittorio Storaro, ce triple lauréat d’un Oscar, être réduit à néant.
Ses jeux de lumière sont pourtant fabuleux; le visuel est fantastique, digne d’une carte postale, époustouflant au possible pour ne pas dire carrément hypnotisant. On a envie de fondre, de craquer pour le film tellement notre rétine n’en peut plus face à autant de beauté et, malgré tout, le temps n’avance pas.
Le tout semble interminable et on réalise que toute cette parure ne mène finalement nulle part.
Voilà donc un Woody Allen dont on aimerait bien se passer, si seulement il ne nous offrait pas autant de belles images, et si Kate Winslet ne nous rappelait pas vivement – mais en vain – le talent qu’elle possède.
5/10
Wonder Wheel prend l’affiche ce vendredi 15 décembre.
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