Alexandre Taillefer a perdu son fils, Thomas; l’adolescent s’est enlevé la vie dans le sous-sol familial, apparemment en lien avec des problèmes de cyberdépendance. De ce drame ressort le documentaire Bye, un aperçu poignant du manque de ressources en santé mentale pour une jeune génération largement tournée vers les jeux vidéo et les mondes virtuels.
« Bye », c’est certes le nom de ce documentaire présenté mardi sur les ondes d’ICI Radio-Canada (et, depuis mercredi, sur Tou.tv), mais c’est surtout ce qui tient lieu de lettre d’adieu du fils d’Alexandre Taillefer. Le jeune homme a inscrit ces trois lettres sur l’écran de son ordinateur, avant de passer à l’acte.
Pour l’entrepreneur, ce retour sur les faits, diffusé pratiquement deux ans jour pour jour après le drame – mais enregistré l’été dernier -, représente une occasion importante pour tenter de comprendre exactement ce qui s’est passé, et pour également chercher à savoir si la société n’est pas en train d’oublier un grand nombre de jeunes qui souffrent de problèmes de santé mentale, eux qui se tournent vers le web plutôt que, la plupart du temps, chercher de l’aide auprès des ressources traditionnelles déjà existantes.
Il faut voir cette séquence quelque peu stupéfiante et triste à la fois, où l’homme d’affaires se rend dans un café de jeu en réseau et pose des questions aux jeunes qui s’y trouvent, jusqu’à leur demander si certains d’entre eux ont déjà fait une tentative de suicide.
Il semble donc y avoir un vide entre les ressources déjà offertes en matière de santé mentale, y compris pour les jeunes, et les véritables besoins en la matière. Après tout, il n’est pas normal que le fils d’Alexandre Taillefer ait cherché de l’aide du côté d’une personne diffusant des séquences de jeux vidéo sur la plateforme Twitch. Besoin d’adaptation aux nouvelles technologies? Besoin, surtout, de ressources supplémentaires? Le ministre de la Santé a beau avoir récemment offert une trentaine de millions de dollars pour offrir des soins de santé mentale gratuits aux cas jugés « intermédiaires » dans le réseau public, les questions de santé mentale sont encore taboues dans notre société. Il est donc urgent de contribuer à dé-stigmatiser ces questions, à moins d’être justement confrontés à une hausse du nombre de suicides, les jeunes (mais aussi les moins jeunes) n’ayant pas accès à l’aide dont ils ont besoin.
Sur le plan émotionnel, Bye a la puissance d’un uppercut. Pourtant, à seulement 52 minutes, le documentaire est trop court: il existe peu ou pas de discussions sur l’impact de cette cyberdépendance, et l’oeuvre passe près d’encourager un amalgame nuisible entre le fait de jouer à des jeux vidéo et l’apparition de pensées dépressives, voire suicidaires. Les questions du harcèlement en ligne sont préoccupantes, certes, mais la cyberdépendance ne serait-elle pas plutôt le symptôme d’un dysfonctionnement dans la « vraie » vie? Après tout, on commence à peine à en finir avec le détestable cliché voulant que les jeux vidéo encouragent les comportements violents. La dernière chose dont l’industrie (et les joueurs) ont besoin, c’est d’être accusée d’inciter à la dépression, voire pire encore.
Bye peut être visionné en ligne à cette adresse.
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Un commentaire
Selon moi, ce n’est pas tant que les jeux vidéos incitent à la dépression mais plutôt que plusieurs de ces jeux sont développés en misant sur la vulnérabilité psychologiques de leurs utilisateurs afin que ceux-ci aient envie de continuer à jouer. Les jeunes sont plus vulnérables pour toutes sortes de raison et on a tendance à penser que le jeu est inoffensif, mais son côté addictif n’est pas à prendre à la légère. De la même façon que quelqu’un peut boire de l’alcool de façon responsable et modérée, c’est une substance qui peut être dangereuse pour une personne plus vulnérable…