Ruben Östlund n’aime pas le cinéma qui n’a rien à dire et c’est probablement pourquoi, dans ses films, aussi verbeux que contemplatifs, il s’amuse tour à tour à provoquer et à passer au tordeur toutes les strates de la société. Avec The Square, récipiendaire de la prestigieuse Palme d’or du Festival de Cannes, il vient titiller la bourgeoisie en exposant au grand jour toute l’absurdité plus ou moins connue du monde des arts avec un grand « A ». Et disons que pour la majeure partie de l’exercice, il est franchement difficile de résister et encore moins de ne pas éclater de rire.
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Après avoir titillé l’enfance et le couple avec Play et Force majeure, Östlund offre une certaine synthèse de ses idées en laissant tournoyer et succéder une folle galerie (sans mauvais jeu de mots) de personnages et de situations dans le quotidien qui dégénère d’un directeur artistique d’un musée réputé. Éternel bachelor suite à son divorce, homme « adulescent » qui ne cerne pas toujours judicieusement les véritables priorités, Östlund s’amuse avec son cadre, favorise les longs plans et laissent toutes les folies se matérialiser sous nos yeux dans un fabuleux enchaînement de conséquences.
L’humour est donc partout puisque c’est une satire d’abord et avant tout d’un monde déjà voué à sa propre perte, qui utilise l’art pour se changer les idées par des accroires. Avec des situations que Tati ne renierait sûrement pas, avec un côté beaucoup plus explicite néanmoins, on fait place à des malaises inquiétants qui mettent à l’épreuve la tolérance des uns et des autres.
C’est d’autant plus invitant parce que Claes Bang n’est certainement pas loin d’un Mr. Bean moderne, se jouant de la même naïveté ébahie sans jamais vraiment en être conscient. Ce, pendant qu’on sort Elisabeth Moss et Dominic West de leurs zones de confort.
Mieux, on pousse constamment un grand nombre de dualités entre les non-dits et ce qu’on dit, entre la sagesse et la stupidité, entre la modernité et l’antiquité, etc. On ne veut pas tout expliquer et il y a certainement plus d’un élément qu’on ne s’expliquera jamais vraiment, ajoutant au côté loufoque et énigmatique de l’art.
Métaphore facile, certes, mais idéale pour aider à donner naissance à plusieurs moments d’anthologie. Dommage alors que Östlund continue dans ses bonnes vieilles habitudes exhaustives pour jouer avec la patience de son public, créant ici une œuvre de 142 minutes dont la longueur n’est pas entièrement justifiée. Une baisse de rythme se sent peu à peu et au fur et à mesure que les personnages tournent en rond dans leurs propres problèmes (qui en sont d’autres qui en deviennent d’autres et ainsi de suite), le spectateur finit un peu par se perdre dans le tourbillon sans pour autant ressentir le besoin de devoir y rester.
The Square est donc une œuvre-choc. Pas toujours subtile, certes, mais aisément maîtrisée et avec beaucoup de panache qui a certainement de quoi faire sourire, réfléchir et surtout rire pendant longtemps.
7/10
The Square prend l’affiche en salles ce vendredi 24 novembre.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2017/11/23/coco-lart-de-bien-faire/