State of Exception (2017) de Jason O’Hara présenté à la 20e édition des Rencontres Internationales du documentaire de Montréal (RIDM) relate l’éviction d’Autochtones et d’habitants des favelas par les autorités brésiliennes dans le but de construire les infrastructures pour la tenue de la Coupe du monde de soccer 2014 et les Jeux olympiques 2016 dans la ville de Rio de Janeiro.
«On désigne par «état d’exception» la situation dans laquelle se trouve un État qui, en présence d’un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu’en méconnaissant les règles légales qui régissent normalement son activité », lit-on sur le site Encyclopaedia Universalis. Une définition similaire à celle présentée en ouverture. Tenant compte des coûts élevés, de l’endettement et de la désuétude rapide des parcs sportifs qu’engendre normalement la tenue de tels événements à travers le monde, le «péril grave» que court le Brésil doit être de perdre la face devant ses homologues internationaux.
Après la pluie et une série de problèmes techniques lors de la compétition de Saut à la perche aux Jeux olympiques de Rio le soir du 15 août, un jeune athlète brésilien a marqué l’histoire. À 22 ans, Thiago Braz da Silva a remporté la médaille d’or et a atteint un nouveau record à 6.03 mètres devant un Français et un Américain. Serait-ce les dieux du candomblé qui l’on poussé en haut de la barre ou la corruption endémique qui s’est emparée des résultats? Tel que montré dans le documentaire State of exception (2017) par les va-et-vient entre la rue et le spectacle officiel, le Brésil tente de s’élever en empiétant sur les plus démunis.
À l’Aldeia Maracanã, des Autochtones issues de diverses peuplades chassées de leurs terres se rejoignent pour échanger, reproduire leurs rituels et se supporter les uns les autres. Une confrérie impossible à l’état de nature, mais que la déforestation a soudé. Cependant, ce point de rencontre avec son architecture ancienne se trouve sur le site du futur stade Maracanã, à construire pour la Fédération Internationale de Football Association (FIFA).
En parallèle, le documentariste détaille l’histoire de quelques individus vivant dans les favelas qui perdent tout quand le gouvernement décide de détruire leur maison, construite de leurs mains.
Résistance
« J’ai pris sept ans à tourner mon documentaire, je me suis fais volé et frappé avec un bâton par les policiers », affirme Jason O’Hara après la projection. En fait, le documentariste tente de minimiser cette agression en la comparant au sort beaucoup plus grave réservé aux Brésiliens. À travers les émeutes massives, la scène de cette femme qui doit faire face à la brutalité policière en retournant chez elle après une journée de travail, empruntant son chemin habituel, évoque avec simplicité l’impact de cette résistance sur le quotidien des citoyens. Qui se souvient des conséquences de la hausse du prix du billet d’autobus?
Malheureusement, le cinéaste accorde peu de temps à la partie du documentaire qui semble la plus intéressante. Après la détention des Autochtones occupant l’Aldeia Maracanã face à la menace d’éviction des autorités, deux personnalités charismatiques du groupe optent pour des voies différentes. Le premier signe le pacte avec le gouvernement en échange d’un logement social et de la promesse de rénovation du lieu pour en faire un musée, alors que le second poursuit le combat.
Sur le drapeau du Brésil, la devise «ordre et progrès» fondée par le philosophe positiviste français, Auguste Comte figure en toutes lettres sur un cercle bleu aussi sphérique qu’un ballon de soccer. Le losange jaune représente les ressources du sous-sol et le vert, la forêt amazonienne.
Les scandales impliquant la FIFA, le gouvernement brésilien et le géant de la construction Odebrecht ont fait tourner le vent au Brésil, du moins le gouvernement ne dispose plus des ressources nécessaires pour bloquer l’accès à l’Aldeia Maracanã.
…et encore moins pour rénover le lieu en musée.
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