Il y a à la fois beaucoup et peu à dire sur ce projet hautement risqué consistant à donner vie à une suite à l’un des grands films cultes du septième art, plus de trente ans après un ratage en salles. Si le respect est heureusement de mise, l’œuvre, auréolée d’un soin indéniable, manque toutefois de profondeur, mais aussi de ce sens du mystère et de l’atmosphère qui a su autant captiver l’imaginaire de tous, sentiment qui ne s’amenuise définitivement pas chaque fois qu’on s’offre une nouvelle écoute de Blade Runner, situation qui ne risque pas d’opérer avec ce 2049 qui s’essouffle tristement au fil de ses 163 minutes.
Ridley Scott est un impitoyable perfectionniste qui aime retravailler maladivement ses œuvres. Autrefois encensé (il est tout de même à l’origine de grands joyaux du cinéma), il a finalement été rattrapé par ses ambitions, comme en témoigne la majorité de ses risibles propositions des dernières années. À l’inverse, quoiqu’aussi maniéré, l’esthète Denis Villeneuve, ce surdoué bien de chez nous, est beaucoup plus instinctif, ayant l’expérience autant sensorielle qu’intellectuelle du spectateur à cœur.
Malheureusement pour lui, si ses mises en scène en mettent tout le temps plein la vue (il maîtrise toujours les vues aériennes de façon impressionnante, tout comme son montage et son soin sonore), les scénarios avec lesquels il doit travailler posent toujours problème au fur et à mesure qu’ils se dévoilent et se surexpliquent. Ici, bien que Hampton Fancher revient à la charge, lui qui avait notamment colivré le scénario du flm original, il n’est probablement pas bien aidé de Michael Green qui a autant travaillé sur Green Lantern qu’Alien: Covenant.
L’autre problème majeur, à l’instar du surestimé Arrival, également de Villeneuve, c’est que ce 2049 n’a rien de nouveau à proposer, ne faisant que miroiter tout ce qui a été déjà fait en science-fiction, reflétant tout le bagage d’un genre en effervescence depuis plusieurs décennies, sans avoir la possibilité d’ouvrir la voie à un renouveau du genre, comme l’avait fait le film original à l’époque. Bien sûr, les références sont nombreuses et bien que le scénario se veut moderne en multipliant les sous-histoires, les motivations et les personnages (il y en a définitivement trop), il a ce mérite d’épouser le rythme et l’ambiance du film d’origine (l’introduction est un magnifique calque qui donne certainement des frissons) et de s’éloigner des standards des blockbusters habituels, ce qui risque certainement d’en freiner plus d’un lors du visionnement.
On retrouve ainsi ce monde futuristique peuplé d’humains et de réplicants. Par contre, n’en déplaise à la beauté des effets spéciaux et de la direction artistique, tout comme du regard toujours aussi visionnaire de Roger Deakins (qui avait également collaboré à Prisonners et Sicario, encore du même cinéaste), le film agit davantage comme d’une longue liste à cocher de références, montrant que cette fois, l’œuvre s’inspire de ce qui a été fait antérieurement. Passant de The Matrix à Southland Tales, et même jusqu’à Ghost in the Shell, qui ironiquement, se sont tous évidemment inspirés de Blade Runner à un moment ou à un autre.
Bien sûr, le film tente un discours sur le réel et le virtuel, parfaitement en lien avec notre propre réalité, mais malgré quelques trouvailles, qui vont jusqu’à évoquer le Her de Spike Jonze, on finit par quand même emprunter la voie facile de la nostalgie aisée. Pas nécessairement par le biais de Harrison Ford qui vient injecter un peu de tonus à mi-chemin, comme il a su le faire avec doigté dans les retours d’Indiana Jones et Star Wars notamment, mais par ces références qui vont jusqu’à littéralement recréer numériquement le passé. Un choix qui continue encore de faire grincer des dents comme en a témoigné le débat qui a suivi la sortie de Rogue One, entre autres. Le film tente également de prolonger la réflexion sur les souvenirs entamés dans le premier volet, mais s’y prenant beaucoup plus maladroitement, allant jusqu’à y intégrer littéralement des flashbacks pour tenter de brouiller nos pistes, mais pas trop.
Si Ryan Gosling surprend dans ce rôle très stoïque et plus actif et musclé qu’à ses habitudes, on se réjouit que la présence de Jared Leto soit finalement moins significative qu’on semblait nous l’annoncer. On regrette toutefois que la grande Robin Wright se retrouve encore avec un rôle à la finition aussi honteuse que dans le récent Wonder Woman et on s’attriste du manque de dimension qu’on offre à Sylvia Hoeks qui impressionne pourtant la plupart du temps, dans ce rôle qui semble fusionner Roy Batty et Rachael.
Blade Runner 2049 est donc un entre-deux. Une suite surprenante de par la classe qu’elle exhibe tout du long, démontrant de ce fait la passion et l’expertise de ceux qui se trouvent derrière la caméra, mais aussi un film victime des maladresses de convenance qu’on retrouve à la fois dans le cinéma d’aujourd’hui que celui américain de Villeneuve ou des suites habituelles. Face à une dernière-heure relativement ratée d’un film définitivement trop long, mais aussi face au peu qu’il a à nous dire ou à nous dévoiler, on appréciera ce qu’il aura à nous offrir et on se réjouira de ses nombreuses qualités, en se répétant qu’il n’est pas toujours nécessaire de ressusciter le passé.
6/10
Blade Runner 2049 prenait l’affiche jeudi. Il a par ailleurs été spécialement formaté en IMAX, pour ceux intéressés à en maximiser leur expérience.