« Je ne m’abaisserai pas à de telles frivolités. » Voilà ce qu’a lancé mercredi le secrétaire d’État américain Rex Tillerson. Le chef de la diplomatie américaine avait convoqué la presse à la dernière minute à la Maison-Blanche, sans ajouter l’événement à l’horaire officiel, alimentant les rumeurs sur une possible démission.
Plutôt que de claquer la porte, Tillerson aura en fait maintenu son appui envers le président Donald Trump, sans toutefois explicitement nier certaines informations rapportées mardi soir et mercredi matin dans la presse. Sur les ondes de NBC, on pouvait effectivement apprendre que M. Tillerson aurait envisagé de présenter sa démission en juillet. Pire encore – du moins, aux yeux du président -, il aurait traité son patron « d’imbécile » (« moron »).
Pas de précisions au sujet de cette déclaration lors de la brève conférence de presse de mercredi avant-midi, si ce n’est le refus de Tillerson de commenter le dossier.
« Je n’ai jamais envisagé de quitter mon poste. La politique étrangère du président permet à l’Amérique de devenir plus forte et d’engranger les victoires », a martelé l’ancien patron de la pétrolière Exxon.
Et le secrétaire d’État de réciter une liste de ces « victoires » diplomatiques, y compris dans le très délicat dossier nord-coréen. Après les années attentistes de Barack Obama, voilà en effet que Donald Trump multiplie les provocations vis-à-vis du dictateur nord-coréen Kim Jong-un, le cajole puis l’insulte sur Twitter, promet le « feu et la violence » si le régime poursuit ses tests de missiles et d’armes atomiques, puis reste coi lorsque Pyongyang décide de mettre la détermination américaine à l’épreuve et va effectivement de l’avant avec de nouveaux tirs, de nouvelles explosions.
Doublé d’un côté par l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, qui soutient que « la Corée du Nord appelle la guerre de tous ses voeux, et qu’elle sera totalement détruite si les États-Unis sont forcés de se défendre ou de défendre leurs alliés », et de l’autre par le locataire de la Maison-Blanche, qui parle de Kim Jong-un comme de « l’homme-fusée » engagé dans une « mission-suicide » et qui « sera complètement anéanti », Rex Tillerson semble chercher sa voie… et sa voix.
Désireux de renforcer le dialogue avec la Chine, ainsi que d’y préparer le voyage présidentiel prévu en novembre, le voilà qu’il s’envole pour Pékin, la semaine dernière, officieusement pour y parler de la Corée du Nord avec le seul allié d’importance du régime totalitaire. Timidement, il avance que des contacts existent entre Washington et Pyongyang, même si cette dernière refuse d’envisager la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Rapidement, le président Trump lui inflige un croc-en-jambe diplomatique, écrivant sur Twitter que son secrétaire d’État « perd son temps » et que « le dossier sera réglé bien assez tôt ».
Devant ces nombreuses rebuffades, voilà donc que NBC publie que M. Tillerson a déjà songé à démissionner. Le fruit serait-il mûr? Pas question, répétera à l’envi le principal intéressé, qui parle de « mauvais journalisme » en conférence de presse.
Quoi qu’il en soit, les appels à son départ se multiplient. Mercredi matin, toujours, le Council on Foreign Relations appelait Tillerson à démissionner. « (Il) a reçu une mauvaise donne de la part du président et l’a très mal jouée. Pour ces deux raisons, il ne peut être un secrétaire d’État efficace et devrait quitter son poste », écrit sur Twitter le président du conseil, Richard Haass.
Malgré tout, « le président a toujours confiance envers le secrétaire d’État », a assuré lundi la porte-parole de la Maison-Blanche.