Curieux titre, Le Jour se lèv(r)e. Curieux spectacle aussi, que le public décortiquera l’œil questionneur, tout au long de la performance de Sylvie Cotton. Dans cette courte œuvre présentée à l’Agora de la danse jusqu’au 5 octobre, l’artiste plasticienne dévoile le souffle qui l’habite.
Sylvie Cotton a toujours joué les cartes de la notion de rencontre, de la présence à soi ou aux autres. Multidisciplinaire, l’artiste propose en ce moment une performance gestuelle et dansée s’intéressant « au mouvement du souffle », aux états d’altérité et aux phases du quotidien. D’ailleurs, c’est avec la projection d’un lever de soleil que s’est amorcée cette étrange composition, avant que Cotton ne surgisse de l’arrière de la salle intime, sillonnant les visiteurs.
Maître de son propre corps, tout sourire, elle se change devant les spectateurs, enfilant une ample tunique noire, puis se parant d’un immense collier doré qu’elle fait onduler à partir du sol, comme une enchanteresse qui réveille un serpent.
De temps à autre, apparaît sur un écran la danseuse et chorégraphe Anne Plamondon, à demi nue en pleine forêt. Elle fait écho à Cotton avec une gestuelle plus limitée, plus cadrée, qui contraste avec l’immensité de la nature qui l’entoure.
Cotton, dans son décor minimaliste, se déplace avec plus de fluidité que l’être mythique des bois personnifiée par Plamondon, qui semble contrainte à des positions inconfortables sur l’écran, tel un insecte qui tente se briser son cocon. Cotton, quant à elle, respire la liberté, plus énergique, mais plus à la dérive, aussi. Lorsqu’elle enfile une combinaison géante ornée de bandelettes jaunes, tel un grand oiseau de feu, on la croit en proie à une transe qui la projette jusque sur les spectateurs assis au sol.
État intérieur et féminité qui se dérobent aux regards
Au-delà d’une allégorie thématique (ou d’un « poème onirique » comme l’explique l’interprète), Le Jour se lèv(r)e évoque un état intérieur, des intuitions, des spasmes physiques, une représentation organique du corps et des mots sur laquelle joue l’artiste. Le corps se matérialise et se dématérialise, donnant à voir tour à tour une femme, un état lumineux, un souffle de vie, une posture changeante, bref autant de notions que Cotton a choisi de représenter de manière singulière sur une scène noire.
Si le titre fait référence au lever du soleil et à la notion de respiration, de souffle qui émane des lèvres, il évoque presque à mots couverts la présence du sexe féminin, matière plastique et organique. On le devine tout au long de la présentation, mais on n’en aura la confirmation qu’en toute fin de spectacle.
Au final, l’état de communion souhaité par l’artiste se transmet difficilement aux individus rassemblés dans la salle. Cotton s’est dite intéressée par le « risque que cela suppose en termes de vulnérabilité ». On n’a pas du tout l’impression de la sentir vulnérable sur scène, mais on perçoit parfois le désir trop présent d’évoquer une intériorité à laquelle le spectateur ne peut pas complètement se rattacher, comme trop intime pour être pleinement absorbée.