À Québec, il y a Régis. Et il y a les autres. Mais alors que s’engage le sprint en vue des élections municipales du 5 novembre, la cheffe de Démocratie Québec, Anne Guérette, entend bien mettre fin au règne du maire Labeaume, entre autres en redonnant la parole aux citoyens.
« La campagne vient à peine de commencer de façon officielle, oui, mais déjà, depuis les mois de février et mars, nous avons travaillé ensemble, avec les membres du parti, pour bâtir notre programme, notre plateforme. Les choses se sont tranquillement accélérées ces derniers jours », mentionne Mme Guérette au bout du fil.
Il est évident, après tout, que cette campagne n’est pas apparue de nulle part. D’autant plus que Mme Guérette n’en est pas à ses premières armes en politique municipale. Élue conseillère dans le district de Montcalm à la fin de 2007, elle est réélue en 2009, puis passe au nouveau district voisin de Cap-aux-Diamants en 2013.
Si elle a créé Démocratie Québec en 2012, ce n’est pourtant pas elle qui affrontera Régis Labeaume l’année suivante, mais plutôt David Lemelin, selon les conditions négociées pour la fusion avec la formation Québec autrement.
Pour Mme Guérette, cette fois, c’est la bonne, et le thème est tout trouvé: la démocratie. « C’est notre fil conducteur. Pour nous, l’enjeu à travers tous nos autres engagements est la nécessité de changer la façon dont les décisions sont prises à l’hôtel de ville de Québec. »
L’une des méthodes imaginées pour y parvenir est l’instauration de budgets participatifs. « On va donner plus de pouvoirs aux conseils de quartiers, qui réaliseront leur planification stratégique pour prioriser les investissements dans chaque quartier, à la hauteur d’un million de dollars par année. » L’engagement – à coût nul, précise la candidate – vise à mettre fin au système où « le maire décide dans son bureau, entouré d’une poignée de gens triés sur le volet avant de nous imposer le résultat ».
« C’est la politique du bas vers le haut, où les citoyens participent aux décisions qui ont un impact sur leur milieu de vie », ajoute Mme Guérette.
Si problème démocratique il y a, toutefois, une bonne partie de la population de Québec ne semble pas en faire grand cas. Un coup de sonde réalisé aux débuts de la campagne accordait à M. Labeaume une très importante avance sur ses adversaires, avec 45% d’intentions de vote. Mme Guérette, malgré son expérience comme conseillère et cheffe de l’opposition, se retrouve même en troisième place, derrière Jean-François Gosselin, chef de Québec 21.
La cheffe de Démocratie Québec martèle pourtant que « l’omnimaire » est un colosse aux pieds d’argile: « Je ne partage pas nécessairement l’affirmation voulant que la popularité de M. Labeaume reste intacte. Déjà, cette année, nous avons deux partis politiques (dans la course). Il y a de plus en plus de grogne. Les gens expriment leur ras-le-bol de cette approche autoritaire, unilatérale, de cette absence d’écoute. »
« Il y a notre force politique aux racines assez profondes – nous travaillons à sa construction depuis 2009, avant la fondation en 2012. On commence à être un parti aux fondations solides. Il y a une autre force politique, Québec 21, qui a été mise en place. » Régis Labeaume ne manquerait donc pas d’adversaires lors du prochain scrutin municipal, estime Mme Guérette. « Enfin! », lance-t-elle.
« La campagne est encore jeune; moi je pense que nous avons le meilleur parti, le meilleur projet, la meilleure équipe. »
« Régime de peur »
L’équipe de Démocratie Québec était d’ailleurs aux prises avec un problème, au déclenchement des élections: des conseillers seront élus dans 21 districts au début novembre, mais au moment d’accorder l’entrevue à Pieuvre.ca, Mme Guérette ne pouvait compter que sur 13 candidats. « Ce n’est pas tout le monde qui veut se lancer contre M. Labeaume », explique-t-elle. « Il est encore au pouvoir… C’est un régime de peur. Les gens n’osent pas, ont peur de plonger s’ils ne sont pas élus, s’il y a des impacts sur leur emploi, sur leur entreprise. »
« Vous êtes certainement au courant du dénigrement, du mépris, des attaques, voire des menaces. Cela ne se bouscule donc pas au portillon, mais il y a des courageux qui plongent. Il a fallu travailler très fort. Ce n’est pas un contexte où il n’y aurait pas de maire sortant qui a beaucoup de pouvoir et qui fait peur, il faut le dire. »
Plus concrètement, Mme Guérette et son équipe veulent ramener Québec à une « échelle humaine », entre autres en verdissant davantage les quartiers, en donnant plus de place aux piétons, etc. « On a 10 grandes thématiques: la démocratie, la mobilité, les services, les finances, la ville verte et en santé, créer de la richesse collective, l’aménagement du territoire à échelle humaine, une ville sécuritaire… », affirme la candidate.
Mais comment cela se transpose-t-il sur le terrain? Certains projets du maire Labeaume seraient annulés, dont l’anneau de glace. « C’est 70 millions que nous pourrons récupérer et réinvestir dans des équipements sportifs de proximité, nous avons dit que nous instaurerions un budget participatif, nous avons dit que nous allons exproprier l’entreprise polluante Anacolor, nous allons imposer un gel de taxes commerciales et résidentielles… »
Anne Guérette veut également maintenir le processus référendaire, alors que cette forme de consultation a été abolie à l’échelle municipale, chose que réclamait entre autres le maire Labeaume. À cela s’ajouterait un office de consultation publique.
Du côté des transports, Mme Guérette rappelle son engagement à mettre en place, à moyen terme, un système de mobilité électrique « de type tramway », et ce « entre le pôle de Ste-Foy et la colline parlementaire ». Ce projet devrait entraîner des coûts de l’ordre de 500 millions de dollars. Et quid du troisième lien? Démocratie Québec « n’est pas nécessairement contre, mais qu’on allait attendre les conclusions du bureau de projet mis en place par le gouvernement ».
Si elle veut l’emporter, le 5 novembre, Anne Guérette aura fort à faire. Les dernières élections municipales ont créé un duo de maires, à Montréal et Québec, qui n’hésitent pas à taper du poing sur la table et à s’intéresser à pratiquement tous les dossiers, quitte à brasser la cage et à écraser quelques orteils au passage.
La ville de Québec est-elle mûre pour une nouvelle mairesse, après le bref passage d’Andrée Boucher au poste de première magistrate? Mme Guérette pense que oui, et la popularité grandissante de la cheffe de Projet Montréal, Valérie Plante, semble la conforter dans son optimisme: « Nous sommes deux femmes qui se mesurent aux deux maires des deux plus grandes villes du Québec. Je pense que ça sera très intéressant de suivre cela sous cet angle, et je dirais que la façon dont les maires Labeaume et Coderre travaillent, ce sont des approches plus anciennes, plus paternalistes, plus hiérarchiques et autoritaires. Nous, comme femmes, nous avons des approches plus collaboratives, plus participatives, plus démocratiques, plus ouvertes, plus transparentes. »
« Nous sommes plus centrées autour du bien commun que de notre popularité personnelle. On dirait qu’il y a des forces masculines qui se mesurent à des approches plus féminines », poursuite Mme Guérette, qui rappelle tout de même que des hommes partagent eux aussi les visions des deux candidates. Des visions, souligne-t-elle, qui s’appuient sur le développement durable, la planification à long terme, la démocratie participative.
Le 5 novembre, les citoyens de Québec auront l’occasion de trancher.
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