Il s’appelle Bashir, il vient de l’étranger, ou plutôt de l’Étranger, avec un E majuscule. Et 15 ans après la création de la pièce d’Évelyne de la Chenelière, l’oeuvre remonte sur les planches du Théâtre d’Aujourd’hui dans un contexte sociopolitique particulièrement chargé.
Bashir Lazhar, donc, une décennie après cette pièce sur cet immigrant devenu professeur dans une école québécoise. Six ans après l’excellent film de Philippe Falardeau. L’histoire est connue, donc. Mais au-delà de ce récit de prof pas comme les autres qui doit s’adapter aux spécificités parfois étranges du système scolaire québécois, avec les quiproquos et les malentendus que cela sous-entend, la pièce est surtout une réflexion sur cette société que l’on dit ouverte et accueillante.
Au fin fond des choses, toutefois, le Québec se montre trop souvent plus intolérant qu’il est prêt à l’admettre. À preuve, la multiplication de gestes racistes par des xénophobes et des nationalistes qui s’affichent de plus en plus. Et faut-il reparler de l’ignoble attentat de Québec? Ou encore de cette commission sur le racisme systémique déjà torpillée par la mauvaise gestion avant même d’avoir commencé, et qui doit théoriquement se mettre en branle à l’aube d’une période électorale?
À travers tout ce tumulte, Bashir Lazhar s’impose comme un moment de réflexion. Un moment d’introspection nécessaire. On pourrait arguer, bien sûr, que les gens ayant le plus besoin de voir cette pièce n’iront pas sur le Plateau, à Montréal, pour assister à une représentation. Mme De la Chenelière prêche-t-elle à des convertis? Probablement.
Il ne faut pas non plus croire que la pièce est parfaite: comme le mentionnait la personne qui accompagnait ce journaliste, certaines portions du texte, qui mériteraient des éclats de voix et un emportement tout à fait latin, entrent ironiquement en contradiction avec la retenue affichée par l’interprète Rabah Aït Ouyahia.
Le fait d’avoir vu le film avant de voir la pièce pousse à penser que le format de l’oeuvre – un récit à un seul interprète, et donc raconté selon un seul point de vue, perd un peu de son impact, le public n’ayant entre autres pas accès à de véritables échanges entre personnages.
Il n’empêche que Bashir Lazhar est une belle oeuvre. Une pièce délicate qui permet de reprendre son souffle dans la fureur du monde dans lequel nous vivons.
La pièce est présentée jusqu’au 14 octobre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.