Fantastique ouverture de saison, mardi soir à la Maison symphonique, alors que l’Orchestre symphonique de Montréal donnait, pour entamer sa 84e année de programmation, la célèbre symphonie « Des mille » de Gustav Mahler.
Oeuvre mythique – particulièrement en raison du nombre démesuré de musiciens que son nom laisse présumer -, cette symphonie fut donnée dans une salle comble, et ce non seulement du côté du public, mais aussi chez les musiciens. Scène étendue au maximum, choeur rempli… Il n’y avait pas 1000 musiciens et choristes dans la Maison symphonique, manque de place oblige, mais les centaines d’entre eux présents sur scène, voire même installés tout en haut, dans les gradins les plus élevés, on ont certainement fait honneur au compositeur austro-hongrois.
Ode au divin, conversation lyrique avec le Créateur, voire affrontement avec le diable, la huitième symphonie de Mahler est tout cela, mais le résultat supplante la somme de ses parties.
Assemblage apparemment hétéroclite de deux sections, Veni, creator Spiritus, d’abord, puis la scène finale du Faust de Goethe, l’oeuvre démarre sur les chapeaux de roue. Dans cette spectaculaire et grandiose ouverture, tout l’orchestre semble s’éveiller d’un coup, tout s’emballe. Au diable les montées en puissance, l’orchestre se déchaîne. Et voilà que les choristes se mettent de la partie. Tout cela, c’est sans compter les huit solistes, bien campés sur le devant de la scène, et qui réussissent, à l’aide d’un tour de force vocale semblant défier la logique, à se faire entendre du public.
Plaqués dans leur siège, les spectateurs semblent s’agripper à leurs accoudoirs. À travers cette puissante saga mahlerienne, cette audacieuse construction, le compositeur donne l’impression de vouloir supplanter la divinité elle-même. À preuve, ce besoin de prendre du recul, de se rappeler que cette puissance est celle des hommes… et sans amplificateurs ou haut-parleurs, s’il vous plaît! Il y a néanmoins un risque de se laisser emporter, de se laisser engloutir par les chants, par la mélodie, par cet agencement parfait que l’on voudrait éternel.
Au centre de ce maelström, on trouve le chef, Kent Nagano. Inflexible, passionné, le voilà qui dirige une véritable armée de musiciens et de choristes. Et lorsque l’oeuvre passera au deuxième mouvement, lorsque la joie divine se fera complainte machiavélique, lorsque l’on tombera des cieux jusqu’aux tréfonds sentant le souffre, il sera encore là, en parfait contrôle, n’oubliant pas d’indiquer la marche à suivre à un groupe de trompettistes calés dans un recoin des gradins par manque de place.
Cette symphonie des mille, ce fut l’apothéose en début de saison, ce fut la pièce qu’on ne voulait jamais voir se terminer, ce furent ces incroyables solistes, et plus particulièrement la soprano Sarah Wegener et le ténor Michael Schade, tous deux monumentaux.
Ce fut scandaleusement bon. À (ré)entendre jeudi, 20h.