Imaginez un monde où tous les services numériques sont concentrés sous un même toit. Un monde où l’accumulation de données personnelles pose de graves problèmes éthiques. Imaginez ensuite un film qui rate la cible en s’avérant incapable de s’attaquer à ces problèmes qui sont pourtant extrêmement contemporains – et inquiétants.
Dans The Circle, Emma Watson est une jeune femme décrochant un « job de rêve » auprès du Circle, une mégacorporation qui n’est pas tant éloignée des géants du web qui existent déjà dans notre société. Hybride monstrueux d’Apple, d’Amazon, de Twitter, de Facebook et de Google, The Circle, sous la férule d’un Tom Hanks barbu et vêtu de façon décontractée, s’emploie à unifier les différentes facettes de l’existence au sein d’un même environnement. Le sien, bien entendu. Et avec les revenus publicitaires que cela suppose.
Si tout semble d’abord idyllique, du moins, autant qu’un emploi au service à la clientèle puisse être idyllique, Mae (Watson) sera rapidement accostée par des collègues qui lui reprochent de ne pas suffisamment s’impliquer dans la vie sociale de l’entreprise. À preuve, l’existence d’un classement des travailleurs en fonction de leur « taux de participation ». Il faut donc toujours partager, publier, diffuser…
En fait, The Circle regorge de ces moments de malaise, où des innovations technologiques présentées comme « bénéfiques » devraient susciter d’importants dilemmes éthiques. Surveillance généralisée, récolte d’informations personnelles à des fins potentiellement commerciales… Orwell n’aurait pas pu imaginer mieux.
Et lorsque le grand patron dévoile de nouvelles caméras particulièrement discrètes qui permettent, entre autres, d’être constamment en ligne et de transformer sa vie en un simulacre de Louis 19 poussé à l’extrême, on se dit que notre héroïne trouverait un moyen de faire chuter le géant technologique. D’autant plus que l’on apprend, à mots couverts, que la compagnie n’hésite pas à déterrer des secrets dommageables pour empêcher les politiciens récalcitrants de s’attaquer à l’empire numérique. Ou va-t-on carrément jusqu’à fabriquer des preuves? Cela n’est jamais expliqué, pas plus que l’on connaît les véritables motivations des dirigeants.
En fait, The Circle ne semble jamais savoir s’il est une parodie des réseaux sociaux, ou une charge contre la tyrannie numérique. Incapable de se brancher, le film ne remet rien en question, ne transforme rien, n’explique rien. On ne sait jamais si le personnage de Watson joue le jeu pour éventuellement porter le coup fatal à l’édifice reposant sur la destruction de la vie privée, ou si elle croit véritablement à ce concept de cauchemar orwellien sur les stéroïdes.
Un film à éviter, donc, histoire de ne pas perdre son temps.