La double identité autochtone et canadienne de l’artiste ontarienne Meryl McMaster occupe la petite salle au niveau S2 du Musée des beaux-arts (MBAM) du 8 septembre au 3 décembre. Ses photographies des séries Wanderings et In-Between Worlds sont exposées dans le cadre de la 15e édition de Momenta, la Biennale de l’image exposant 38 artistes.
L’artiste figure dans toutes les photos laissant plus ou moins d’espace au paysage extérieur en toile de fond. Meryl McMaster utilise une panoplie d’accessoires comme du maquillage, de la peinture, une couronne tressée de végétaux, des colliers à billes, des nattes épaisses, un déguisement de corbeau et des journaux afin de constituer « des extensions à son corps qui conduisent à un télescopage d’identités ». Ce principe excentrique/concentrique inscrit ces photos dans l’autoportrait.
À première vue, l’usage de symbole est perceptible. Si Night Fragments où elle tient un Pot Masson illuminé en guise de lanterne évoque le personnage mythique vaguement connu de l’ermite, il est difficile d’identifier les autres référents puisés dans un répertoire vaste allant des Cris des Plaines aux traditions du vieux continent. N’empêche que les contrastes de couleur et les textures des matériaux utilisés nous accrochent, alors que le tranchage du cadre sème une intrigue au centre de cet espace unheimlich.
Si le turban fait de cordes et de brindilles de Dream Catcher induit l’image d’une boule qui a pris du volume à force de parcourir le monde, Under the Infinite Sky envoûte par son esthétisme. Vue aérienne d’une multitude de petits pots remplis de peinture bleue réfléchissante représentant « ce ciel que l’on cherche à atteindre, où on aimerait voler », m’explique l’artiste. Le rouge sur ses mains est la couleur de « ce qu’on garde du lieu de nos origines », poursuit-elle. Il s’agit du même rouge qui colore son visage blottit dans le turban du parcours.
Meryl McMaster admet que certaines couches de son travail rejoint les revendications des peuples autochtones dont l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues, sans toutefois chercher à défendre une cause précise. Née d’un père autochtone et d’une mère « canadienne », ce croisement fait son identité.
Une singularité qu’elle partage avec nous.
Révolution
En attendant mon entretien avec la photographe, j’ai eu une discussion sur la vraisemblance de l’essai Just Kids écrit par Patti Smith avec l’attachée de presse du MBAM. En fait, l’année dernière le Festival international de la littérature (FIL) avait organisé une lecture de cette autobiographie en parallèle de l’exposition du célèbre photographe Robert Mapplethorpe, un événement pour lequel j’avais écrit un papier qu’elle avait lu.
Mon point était que les détails mentionnés dans l’essai, au sujet du contexte new yorkais par exemple, allaient à l’encontre de la magnification du vedettariat tel qu’on la connait aujourd’hui. En désaccord, elle avait plutôt l’impression que Patti Smith magnifiait leur histoire en occultant le choc qu’elle a probablement vécu en assistant à la dégénérescence de son amoureux. J’ai soutenu mon point en lui rappelant que dès le départ Patti énonce son pacte avec Robert : raconter « notre » histoire.
Sous le couvert de l’autoportrait, il est intéressant de comparer la rétention excentrique/ concentrique de Mapplethorpe avec celle de McMaster, de sorte que la perfection est pour l’un ce que l’identité est pour l’autre. Par rapport à la vraisemblance, l’exposition Révolution située dans un autre pavillon du MBAM expose la magnification bien réelle des trente glorieuses.
Scénographie du pivot des années 1960-70, parmi les pochettes de vinyles et les slogans contestataires, Révolution nous donne droit aux effets d’une surdose de pudding avec le jam du p’tit Simard. Alors que l’œuvre Grain of Sand (1963-1965) du peintre allemand « Abdul » Mati Klarwein est la clé « to go cold turkey ».
Entre-deux-mondes de la photographe Meryl McMaster est exposée jusqu’au 3 décembre.