À un moment donné, il faudra cesser d’utiliser l’expression « sans précédent » pour décrire des événements météorologiques extrêmes comme l’ouragan Harvey. « Les événements extrêmes sont la nouvelle normale », écrit la revue Nature en éditorial.
Cet événement et ceux beaucoup plus meurtriers qui frappent le sous-continent indien, n’imposent pas seulement à la climatologie d’approfondir ses connaissances pour prédire au plus vite ce qui nous attend. Ces événements lui imposent aussi de devenir une science plus « appliquée »: où et avec quelle force les ouragans du futur frapperont-ils plus souvent.
Mais le langage devra lui aussi être ajusté : alors que météorologues et politiciens ont beaucoup utilisé ces dernières semaines l’expression « un événement par 500 ans » pour décrire Harvey, ils devraient plutôt apprendre à utiliser l’expression « une chance sur 500 de se produire cette année », suggère l’éditorialiste de Nature. Ce serait une façon de vulgariser le risque qui serait plus « parlante » pour le grand public, surtout en ce moment où le ratio est de toute évidence en train d’évoluer: de dire qu’on est passé d’une chance sur 500 à une chance sur 400 ou sur 300 évoque quelque chose aux gens habitués de parier. Au contraire que si l’on parle d’un événement tous les 500 ans qui serait passé à un événement par 400 ans ou 300 ans…
Enfin, cette question du langage prend tout son sens lorsqu’on adopte la perspective des contrats d’assurance que devront signer les futurs propriétaires: une chance sur 300, appliquée sur une hypothèque de 30 ans, ça veut dire une chance sur 10 de vivre une inondation majeure tant qu’on occupera cette maison…
L’activiste et auteure Naomi Klein a publié cette semaine un appel à l’action qui va dans le même sens, mais assaisonné d’une recommandation aux décideurs et aux médias: parlez systématiquement des changements climatiques quand vous parlez des ouragans, écrit-elle dans The Intercept. Arrêtez d’avoir peur d’être accusés de faire de la récupération politique. « Ce que vous entendrez trop peu (cette semaine), c’est pourquoi ces événements météo sans précédent, briseurs de records, se produisent avec une telle régularité. »
En parler dans ces termes, « c’est défier tout le système économique et politique », renchérit l’auteur et chroniqueur George Monbiot, ce système qui nous a rendus plus prospères et plus confortables, et c’est bien pourquoi nous sommes réticents à changer notre façon d’en parler.
Quant à la reconstruction qui s’annonce, la question se pose aussi: Harvey décidera-t-il finalement les Américains à reconstruire différemment, plus loin des zones inondables, avec moins de béton et davantage d’espaces verts pour absorber l’eau? Ce n’est pas la première fois qu’un après-ouragan met cette question sur la table, rappelait mercredi le principal quotidien de la Nouvelle-Orléans: une ville qui, elle aussi, en a vu d’autres…