Pour réussir à décoder des génomes anciens, il faut avoir la chance de découvrir des ossements bien préservés. Mais au bout du compte, à qui appartiennent ces os? Et qui peut obliger un laboratoire à ne pas les accaparer indûment?
C’est la question éthique que posent trois chercheurs dans un appel solennel — publié par la revue nature — à « un accès égal à l’ADN ancien ». Un appel qui, sous la forme d’une courte lettre de quatre paragraphes, contient des mots tels que butin, compétition et appauvrissement, qui obligeront généticiens et paléontologues à prendre position.
Qui plus est, le fait que l’ADN soit exceptionnellement bien préservé dans un os de l’oreille interne ajoute une dimension au problème, puisqu’extraire l’ADN implique la destruction d’une partie de l’os.
« La compétition pour ces spécimens rares encourage l’accaparement ce qui, avec la destruction des échantillons pour l’analyse d’ADN, rend difficile de reproduire les résultats. Cela nuit aussi à la recherche pour des scientifiques qui ne sont pas connectés au petit nombre de groupes qui dominent l’accès à ces échantillons. »
« C’est un peu le Far-West » reconnaît le généticien Eske Willerslev interrogé par Nature, qui n’est pas un des signataires de la lettre. Son laboratoire, au Danemark, fait partie de cette petite poignée de centres de recherche qui ont publié ces dernières années des analyses majeures — notamment, en 2015, la première analyse comparative des génomes de plus de 100 individus ayant vécu il y a quelques milliers d’années. Pour arriver à de tels résultats, explique Willerslev, ces laboratoires approchent pratiquement tous les jours des musées à travers le monde, espérant pouvoir emprunter un os humain faisant partie de leurs précieuses collections.
Cette compétition, lit-on dans la lettre, désavantage les équipes de recherche qui ne sont pas financièrement à l’aise, en plus de désavantager certains pays, qui sont riches en découvertes archéologiques, mais qui voient celles-ci filer vers des laboratoires de génétique à l’étranger.