Un rapport co-signé par 13 agences gouvernementales pourrait embarrasser le gouvernement Trump: il conclut que le réchauffement climatique fait d’ores et déjà sentir ses effets aux quatre coins des États-Unis. C’est apparemment par crainte que ce document ne soit balayé sous le tapis qu’un ou des scientifiques ont choisi d’en envoyer une copie au New York Times.
« C’est une situation risquée », commentait lundi dans le journal le chercheur Michael Oppenheimer, qui n’a pas participé à l’étude. « C’est la première fois qu’une analyse des changements climatiques de cette ampleur est publiée sous le gouvernement Trump, et les scientifiques vont surveiller très attentivement la façon dont il réagit. » Mardi, la porte-parole de la Maison-Blanche a déclaré que celle-ci « étudiait » le document et qu’elle ne le commenterait probablement pas avant sa parution, prévue pour cet automne.
Le document mis en ligne est une version préliminaire du rapport, qui circule depuis janvier. Il lui manque l’approbation officielle des 13 agences gouvernementales. L’une d’elles, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) est dirigée par un climatosceptique, Scott Pruitt, qui a déjà déclaré que le dioxyde de carbone ne contribue pas de façon significative au réchauffement climatique. Plusieurs autres membres hauts placés du gouvernement sont des climatosceptiques affichés et fiers de l’être (voir cette liste partielle).
Entre autres choses, le rapport souligne que la température moyenne des États-Unis a augmenté anormalement vite depuis 1980 et que les dernières décennies ont été les plus chaudes depuis… 15 siècles. Et que même si les humains cessaient immédiatement d’émettre des gaz à effet de serre, la température moyenne de la planète continuerait d’augmenter de 0,3 degré Celsius. Sur la base d’une revue de la littérature récente, le rapport conclut que l’association entre l’activité humaine et les événements météorologiques extrêmes s’est précisée depuis la parution d’un rapport du même type, en 2014. Et que l’accélération de la hausse des températures dans l’Arctique aura un impact sur l’ensemble du littoral des États-Unis, à cause de la hausse du niveau des océans.
Ce rapport s’inscrit dans un effort plus large appelé le National Climate Assessment qui, en vertu d’une loi des années 1990, doit publier des mises à jour tous les quatre ans. L’édition 2014 avait servi de prétexte à la Maison-Blanche, sous Obama, pour lancer un vaste effort de communication sur la nécessité d’investir dans l’adaptation aux changements climatiques.
Or, à en croire plusieurs personnes interrogées par les médias américains cette semaine, si ces conclusions étaient endossées par les agences fédérales, cela rendrait possible, pour les environnementalistes, de poursuivre le gouvernement américain s’il ne prenait pas les mesures nécessaires pour atténuer les dégâts. C’est dans ce contexte que du côté canadien, un reportage de la Presse canadienne prétend que ce rapport fournirait à Ottawa un levier pour amener le gouvernement Trump à insérer le dossier environnemental dans la renégociation de l’Accord de libre-échange (ALÉNA).
Pour les observateurs de la scène politique, deux options s’offriraient au gouvernement américain: ne pas publier le rapport, ce qui irait à l’encontre de la loi votée dans les années 1990. Ou le publier après y avoir inséré de nombreuses modifications pour en atténuer les conclusions.