À l’instar de l’Atomium de Bruxelles (1957) et du Space Needle (1962) de Seattle, Habitat 67 de l’architecte Moshe Safdie a été construit comme un pavillon permanent pour l’Expo 67 en guise d’image emblématique de la ville de Montréal. À l’occasion du 375e anniversaire de la métropole, les résidents accueillent les visites guidées.
Observée du Vieux-Port, l’architecture d’Habitat 67 ressemble à trois masses de cubes avec une symétrie d’ensemble. À l’arrière ou sous cette structure, les visiteurs peuvent contempler un seul grand hall de béton s’ouvrant sur le fleuve Saint-Laurent. Nous donnant rendez-vous avant le pont qui mène au Casino, au carrefour du terrain de tennis et de l’unique vague pouvant être surfée à Montréal, le groupuscule s’est déplacé sur la grande surface du deuxième étage. Dos au fleuve, la guide Judith Bradette a fait son premier exposé à l’ombre de ce hall d’une dizaine d’étages.
Habitat 67 est fait de 354 cubes, pour environ 148 appartements, dont 15 combinaisons sont possibles. À partir de 1986, on a percé quelques cubes. D’un maximum de quatre cubes par unité, on est passé à un maximum de cinq. L’architecte Moshe Safdie a également donné son accord pour aménager des vérandas sur les terrasses qu’il a lui-même dessinées pour assurer le maintien de l’esthétique. Chaque cube mesure 16 pieds de large par 39 pieds de long et 10 pieds de hauteur, pour un total de 600 pieds carrés sans calorifères, climatiseurs ou portes à pentures qui obstruent l’espace. Lors de l’assemblage de ces cubes préfabriqués qui pèsent 70 tonnes chacun (90 tonnes pour ceux du sous-sol en béton armé), la tuyauterie et le filage abrité dans le béton est joint à la tuyauterie centrale de la structure.
Pendant la visite guidée, les participants cherchent quelques traces d’individualité dans ce « système résidentiel » qui veille à briser l’isolement. On aperçoit une sculpture en haut d’un escalier, un bout de mobilier par une fenêtre et des chaises sur une terrasse. Les résidents ne peuvent modifier l’extérieur sans la permission de l’architecte, mais l’intérieur leur appartient. Ainsi, plusieurs résidents ont modifié la salle de bain en fibre de verre encastrée de l’époque.
À l’ombre de cette arche de béton, l’ingénieur en structure en chacun de nous en vient à se questionner sur comment ces cubes peuvent-ils tenir ensemble ? Il s’agit de « raisins sur une grappe », évoque la guide. Le poids est réparti sur les cages d’ascenseur et d’escalier. L’équilibre est tel que si l’on retire un seul bloc, la structure se fragilise en entier.
Terrasses fleuries
Si cette composition de cubes peut évoquer la Nagakin Capsule Tower (1970-1972) à Tokyo de l’architecte Kisho Kurokawa ou sa forme pyramidale nous rappeler les Pyramides olympiques (1976) à Montréal des architectes Claude Bergeron et Roger d’Astous, l’architecture d’Habitat 67 impose une structure moins austère, pour ne pas dire moins glauque. Ayant vécu dans un kibboutz ou village collectiviste, l’architecte Moshe Safdie a puisé dans ces origines israéliennes pour concevoir ce « système résidentiel » sans fin. Il s’est également inspiré des grandes villes des États-Unis et s’est rendu plus au sud, où il a découvert les Pueblos.
À la sortie de l’ascenseur au dernier étage, la vue imprenable de la ville et de l’île Notre-Dame à partir de ce sommet érigé sur la Cité du Havre entourée d’eau, le tout sous un soleil radieux nous saisit. L’héritage amérindien des Pueblos ou toits-terrasses y est merveilleusement intégré d’une façon moderne.
« Ce n’est pas parce que j’ai une cour que je n’irai jamais au parc ! », cite la guide afin d’expliquer pourquoi en plus des terrasses privées, l’architecte a conçu des terrasses pour l’ensemble des résidents. Que ce soit par des barbecues ou par les feux d’artifice, l’esprit convivial les habite encore aujourd’hui, m’assure la guide.
Moshe Safdie et son équipe restaurent l’unité qu’occupait l’architecte et sa famille dans le but de la léguer à une entité publique pour une fonction éducative et muséale. Il s’agit que l’unité redevienne telle que conçue en 1967. Un travail tout aussi minutieux que de recréer la chambre de Ferris Bueller.
Pour visiter Habitat 67, vous devez réserver à l’adresse suivante: www.habitat67.org