Geeks, nerds, accros, passionnés… ils sont toujours plus nombreux, s’entassent par dizaines, voire centaines de milliers dans divers centres des congrès à travers le monde pour célébrer leurs hobbys et leurs idoles, font tourner une véritable économie. Pourtant, à travers tous les produits dérivés, les costumes, les conventions, les compétitions, on retrouve un côté sombre: celui du sexisme et de la misogynie. Dans son documentaire Geek Girls, présenté cette fin de semaine au festival Fantasia, la cinéaste montréalaise Gina Hara tente de faire la lumière sur le sujet.
La culture geek a gagné. La preuve? Il est maintenant de bon ton de s’afficher avec un t-shirt décoré d’une scène ou d’un personnage de son jeu vidéo préféré; les gens se bousculent pour aller entendre la musique de Zelda, Final Fantasy ou encore Castlevania dans des salles de concert; sans oublier les milliards engrangés par la télésérie Game of Thrones, ou même les films produits par Disney/Marvel.
Mais cette culture de l’underdog et du surpuissant représente-t-elle vraiment une victoire? Il suffit de se rendre sur les médias sociaux, de jouer à la majorité des jeux vidéo ou encore de se rendre à une convention, justement, pour constater que l’univers geek a largement été pensé pour les hommes. Malgré une ouverture récente aux femmes, d’ailleurs, ce milieu, et surtout certaines de ses sous-catégories, demeurent majoritairement composés d’hommes, quand les normes en place et l’attitude de ces mêmes hommes ne sont pas carrément nuisibles aux femmes.
Pour son documentaire, Gina Hara parcours le monde. Montréal, Toronto, les États-Unis, le Japon… Partout, elle cherche des gens prêts à discuter de leur expérience, de leur vie en tant que geeks assumés. Partout, elle essuie un grand nombre de refus, plus particulièrement de la part des femmes. Si elle trouvera finalement quelques interlocutrices, ce mutisme volontaire la choque: se pourrait-il que malgré cette « victoire » de la culture geek, le milieu soit encore proie aux tabous? Se pourrait-il, surtout, que cet univers ne concerne que les apparences, et que ses membres refusent collectivement de procéder à une réflexion profonde sur les tenants et aboutissants de cette dénomination?
À l’image de la réalisatrice et narratrice, les femmes interrogées pour le film se questionnent à propos des réactions provoquées par leur présence dans ce monde désireux de se montrer inclusif, mais qui a plutôt la gâchette particulièrement facile lorsque vient le temps de vilipender, d’insulter, voire de carrément menacer d’agression, de viol ou de meurtre. Toutes les intervenantes du film le répéteront à l’envi: être une femme geek est à l’image d’être une femme sur internet, soit un combat de tous les jours.
Si l’on ne s’étonnera pas de l’attitude de bon nombre d’internautes masculins (et parfois féminins), Geek Girls livre un message important: cette industrie, cette culture est malade. Malade de ses préjugés, malade de ses normes dépassées depuis longtemps, malade de ses représentations au petit et au grand écran, malade de ses façons de faire et d’agir. Tout n’est pas à jeter, dans cette culture geek, mais il est grand temps de faire le ménage.
« On a l’impression que la discrimination et le harcèlement que fuyaient les premiers geeks ont simplement été transposés dans cette nouvelle structure sociale », dira, en gros, l’une des intervenantes. Et le puissant documentaire de Gina Hara le prouve hors de tout doute.
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