Zaid est médecin. Confortablement installé dans un immeuble chic de Copenhague, chirurgien renommé, marié à une femme qui attend leur premier enfant, l’homme a tout pour lui. Jusqu’au jour où son frère, accointé à des criminels, ne soit battu à mort par ceux-ci.
Commence alors, dans ce Darkland réalisé et coscénarisé par Fenar Ahmad, film qui est présenté dans le cadre du Festival Fantasia, un plongeon dans le monde interlope de la capitale danoise, mais surtout une descente dans l’enfer du communautarisme. Car ce Darkland, cet Underverden dans le danois d’origine, est bien plus qu’un aperçu du monde criminel qui étend ses tentacules un peu partout dans cette ville. C’est aussi – et surtout! – une réflexion sur le communautarisme et les appartenances sectaires qui ont bien de la difficulté à disparaître, et ce malgré une intégration soi-disant réussie au sein d’une société d’accueil.
Après tout, les parents de Zaid sont arrivés au Danemark il y a 30 ans, mais son père n’en reste pas moins collé devant son téléviseur, à suivre les nouvelles en provenance du « vrai pays », l’Irak. Parle-t-il seulement un peu danois? Dans un pays qu’ils perçoivent comme hostile à leur égard, et où ils ne font pas confiance à la police, quel espoir d’intégration leur reste-t-il?
Voilà donc Zaid qui se retrouve plongé, à corps défendant, dans une spirale de violence, propulsé dans le corps d’un vengeur masqué aux commandes d’une moto repeinte en noir pour l’occasion. Le voilà, encore, coincé entre son devoir de médecin et son envie de « casser du bandit », de venger son frère. Mais n’est-il pas plutôt en colère contre lui-même? En colère, étrangement, contre le fait d’avoir réussi, de s’être intégré, mais d’avoir paradoxalement « laissé tomber » sa famille, sa communauté? Que faire, lorsque la communauté en question est décrite comme une bande de bons à riens, de criminels, de paresseux?
À travers le prisme de la violence – une violence froide, calculée, rageuse, sous-tendant tout et n’importe quoi -, Fenar Ahmad expose les travers d’une immigration à moitié ratée, d’une intégration effectuée à la va-vite, d’un clash des valeurs qui définit depuis quelques années le « discours entre civilisations » qui menace de paralyser l’Occident et d’y faire resurgir le pire de l’humanité.
Si Darkland n’explore pas le phénomène dans son ensemble, et va même jusqu’à souffrir de certaines longueurs en milieu de parcours, il s’agit malgré tout d’un film particulièrement solide qui mérite amplement d’être vu, et ce même au-delà du cadre du festival Fantasia.
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