Inspiré du Wacker’s Manual (1911) de Walter D. Moody conçu pour faire adopter le Plan of Chicago (1909) de Daniel Burnham, No Small Plans du Chicago Architecture Foundation (CAF) est un livre graphique divisé en trois périodes: 1928, 2017, 2211. La CAF souhaite offrir 30 000 exemplaires aux jeunes afin de les sensibiliser à l’urbanisme de leur ville.
Avec ses édifices massifs, son paysage de gratte-ciels dépareillés entre les styles et les époques, son circuit de transport en commun surélevé, ainsi que le campus de l’Illinois Institute of Technology (IIT) et les prototypes de Prairie Houses en périphérie, Chicago marque un pas de plus dans la créativité architecturale. Cette spécificité manifeste est la conséquence d’un concours de circonstances particulièrement bénéfique : courants littéraires et courants esthétiques s’y sont croisés dans les années 1920, relate l’historienne, Annie Cohen-Solal dans son ouvrage « Un jour, ils auront des peintres ». « Le leitmotiv du mouvement moderniste est l’expression de l’individu, expliquait le collectionneur d’art Arthur Jerome Eddy, c’est la représentation du moi intérieur d’un individu, et non pas la représentation du monde extérieur », cite-t-elle.
À la suite de l’incendie en 1871 et de la World’s Columbian Exposition de 1893 dans la capitale du Middle West, l’architecte et urbaniste, Daniel Burnham a mené une étude portant sur l’évolution de plusieurs villes à travers le monde. Sur comment les infrastructures à grande échelle influencent l’économie et la mobilité de ses résidents. Mettant l’emphase sur l’économie, le transport et les besoins sociaux, le Plan of Chicago propose six catégories : l’amélioration de la rive du lac Michigan, la création d’un réseau d’autoroute en dehors de la ville, l’amélioration des terminaux de voie ferrée et le développement d’un système de traction pour le fret et les passagers, l’acquisition de réseaux de parcs extérieurs et de promenades, l’organisation des rues et des avenues dans le but de faciliter les déplacements à partir du quartier des affaires, ainsi que le développement de centres pour la vie intellectuelle et l’administration locale reliées avec l’objectif d’assurer une cohérence et l’unité d’ensemble de la ville. « Chicago ne devrait pas faire de petits plans pour son futur », a-t-il affirmé.
Afin de promouvoir le Plan of Chicago, le directeur général du Chicago Plan Commission, Walter D. Moody a rédigé le Wacker’s Manual parut en 1911. Comprenant des plans et des illustrations, le manuel retrace l’histoire de villes européennes et américaines de laquelle on peut s’inspirer pour transformer l’urbanisme de Chicago. Conçu pour les élèves de 8e année, ce manuel qui rend compte du potentiel de cette ville a été enseigné dans les écoles publiques pendant plus de 20 ans. « …nos jeunes doivent apprendre qu’ils vont devenir les dirigeants responsables de leurs communautés… Nous orientons l’impulsion patriotique nationale vers la voie du devoir et il est vital que nous fassions de même avec la nouvelle impulsion pour le bien commun », a écrit Walter D. Moody pour qui chacun est un planificateur.
Malgré la corruption des gouvernements, il y aura toujours de nouveaux citoyens pour façonner leur environnement. Avec le livre graphique No Small Plans, le CAF souhaite renouer avec l’engagement de Daniel Burnham et Walter D. Moody dans le but d’amener les adolescents de Chicago à contempler les possibilités de leur ville afin qu’ils visualisent de meilleures façons de se sentir chez soi, résume le critique Tanner Howard dans le Reader du 19 juillet.
Abordant le passé en 1928, le présent en 2017 et le futur en 2211, chaque section du livre rédigé par la vice-présidente à l’éducation au CAF, Gabrielle Lyon est entrecoupée par des visites guidées par Daniel Burnham. Le but de ces interventions faisant directement référence au Plan of Chicago est moins de sensibiliser le lecteur à l’aspect économique du monde des affaires qu’à l’initier à une plus grande vision de l’urbanisme. L’intention du CAF est de stimuler la réflexion et la discussion autour des espoirs des résidents pour rendre leur ville plus viable.
Lors de leur lecture, les jeunes sont confrontés à des enjeux bien réels. Sur l’embourgeoisement, un personnage nommé Natalie qui a toujours vécu à Logan Square se préoccupe du sort de sa famille qui a été contrainte de quitter le quartier. Ils doivent également résoudre les casse-têtes du développement de condos de luxe menaçant de détruire les édifices patrimoniaux. No Small Plans rappelle à tous les résidents que Chicago est en vie et en mutation lorsqu’on respecte ses propres limites de la transformer, conclut Tannar Howard.
Voilà une initiative inspirante pour une ville qui célèbre son 375e anniversaire comme Montréal.