Il y a un quart de siècle, la Suède a entamé la transition écologique bien avant la plupart des pays occidentaux. Malgré l’expansion de la capitale Stockholm sous l’effet de la désertification des campagnes, le secteur des transports émettant 45% du gaz carbonique au pays, la prise de conscience de certains Suédois s’établissant en région est indéracinable, d’après l’envoyée spéciale du Monde diplomatique de juillet, Florence Beaugé.
À proximité des Danois qui s’éloignent de leur capitale pour vivre d’autosuffisance, la volonté des Suédois de s’établir en périphérie est facilitée par le modèle suédois de transition écologique qui tient autant à une prise de conscience qu’à l’incitation financière, selon le Spécialiste de l’environnement et enseignant à l’université Chalmers de Göteborg, Christian Azar.
À 180 km au sud-ouest de Stockholm, M. Steffan Gustafsson élève 70 vaches laitières et 150 autres bovins pour la viande, tout en cultivant des céréales. En 1999, il a fait le choix de l’agriculture biologique. « Au début, c’était stratégique, mais maintenant c’est une conviction. Je vois de plus en plus les avantages de l’écologie, et je ne reviendrai plus en arrière. D’année en année, la demande pour le lait bio augmente, au point que je n’arrive plus à répondre », a-t-il affirmé.
À quelques kilomètres de là, Mme Katarina Molitor fait pousser des légumes, des tomates, des laitues, des oignons et élève une centaine de moutons et de vaches. C’est après avoir vu son père souffrir d’allergies grandissantes au fil du temps que cette femme d’une quarantaine d’années a décidé de se passer de produits chimiques. Longtemps, elle a vendu son lait à la coopérative voisine, plus maintenant. « C’est plus gratifiant de vendre directement aux consommateurs. Ils vous parlent du goût de votre lait et de vos produits, ça fait plaisir à entendre », a-t-elle affirmé.
Au nord de Stockholm, les écologistes de la ville universitaire d’Umeå organisent des débats ou lancent des consignes de boycottage des grandes marques de l’alimentaire parce qu’elles négligent les droits de leurs fournisseurs dans les pays en développement. Les écologistes les considèrent comme néfastes à l’environnement. Dans son laboratoire, le chercheur Francesco Gentili travaille sur les algues d’eau douce pouvant favoriser le recyclage des eaux usées. « Leur potentiel est considérable : elles poussent vite, récupèrent le gaz carbonique, et pourront servir à terme, de biocombustible pour les voitures et les avions », a-t-il affirmé.
À une centaine de kilomètres au nord d’Umeå, Mme Annika Rydman est retournée dans le village de son enfance, Granö. Il y a sept ans, elle a ouvert un gîte dans ce bourg de trois siècles quasiment condamné. « J’ai voulu que nous redevenions un point de rencontre et d’échanges comme Granö l’était autrefois, un pont avec les autochtones Saames, mais pas au prix de la nature et des habitants. Alors nous avons adopté un mot d’ordre: écolo! Et, lorsque ce n’est pas possible ce n’est pas possible, nous veillons à donner la priorité aux produits locaux », a-t-elle affirmé. La clientèle est à 60 % suédoise. Tous les repas servis sont bio. Les légumes sont de saison.
Prise de conscience
La Suède a très tôt pris conscience de sa nécessité absolue d’acquérir son autonomie énergétique puisque contrainte de se fournir en charbon auprès de l’Allemagne nazie. Elle a vécu la Seconde Guerre mondiale comme « un traumatisme énergétique », selon le géographe et enseignant à l’université Haute-Alsace, Teva Meyer. Dans les années qui suivent, le pays décide de diversifier ses sources d’approvisionnement par l’hydroélectricité et le nucléaire. L’effort de « décarbonisation » actuel s’appuie sur trois piliers anciens de la politique suédoise: efficacité énergétique, énergies renouvelables… et nucléaire.
« Pour tout projet de loi, on a recours aux « remiss », une particularité de la Suède. Il s’agit de la consultation des parties prenantes, formations politiques, associations, syndicats… Toute la société civile a le pouvoir de s’exprimer. Bien sûr, les discussions prennent du temps, mais le résultat est extrêmement solide. C’est cela, le pragmatisme suédois », a affirmé Teva Meyer.
Au Québec, le gouvernement libéral du premier ministre Philippe Couillard a fait adopter la politique énergétique 2030, dont la seconde partie portant sur l’exploitation des hydrocarbures, ou projet de loi 106 sous le bâillon dans la nuit du 9 au 10 décembre 2016.