Ce samedi, le Domaine Forget, dans le cadre de son festival international, recevait la visite attendue du violoniste canadien James Ehnes et de l’Orchestre de la Francophonie (OF), sous la direction de Simon Rivard.
Couvrant quatre époques de l’histoire de la musique, le programme débutait par une courte œuvre de Giancarlo Scalia, Gewissen gegen Gewalt (Conscience contre violence). Il s’agit d’une musique actuelle, mais qui aurait tout aussi bien pu être composée dans les années 1960 ou 1970. L’orchestre et le chef n’ont pas réussi à rendre l’œuvre avec toute l’intensité qui lui est due, en raison d’une section des cordes trop peu nombreuse. Par contre, les pianissimos étaient bien maîtrisés et s’il y a avait eu une mouche dans la salle, nous l’aurions entendue voler. Le chef Rivard semble avoir un style bien à lui et sa gestuelle a pu dérouter le spectateur à quelques occasions, sans impact bien sûr quant à la qualité de l’interprétation.
Suivait Scène d’amour, extrait de Roméo et Juliette, d’Hector Berlioz. Déjà, on a senti plus de connivence entre l’orchestre et le chef. Impossible avec cette prestation aux allures bucoliques de douter que Berlioz fut un grand romantique.
Après le Berlioz, changement de configuration. Exit les vents et les percussions : ne sont restées que les cordes auxquelles s’est jointe une claveciniste. Et c’était l’entrée en scène de James Ehnes, violon et direction. Là encore, on a senti que les jeunes musiciennes et musiciens de l’OF étaient davantage réchauffés ou simplement plus à l’aise avec la musique de Bach. Le soliste était vraiment bien entouré pour chacun des deux concertos, les BWW 1041 et 1052 R. La sonorité du mouvement lent de chacun des concertos était riche et profonde. Le jeu était légèrement tendu, avec juste ce qu’il faut de drame et de retenue. Quant à James Ehnes, il nous a un peu déçus. Pas par sa virtuosité, qui continue d’être remarquable, mais plutôt par ses choix esthétiques. En effet, lorsqu’il s’agit de la musique de Jean-Sébastien Bach ou de ses contemporains, nous avons une préférence pour un son plus rugueux, plus frotté, plus riche. Monsieur Ehnes fait le choix d’une interprétation nettement plus lisse, un peu à l’américaine et qui, il nous semble, correspond moins au son qui devait prévaloir à l’époque du prêtre roux, de Haendel et de JSB. De plus, dans le deuxième allegro du deuxième concerto de la soirée, le soliste a donné l’impression d’y aller un peu vite et même de manger quelques notes. Il demeure que la chance qui a été donnée à ces jeunes interprètes de partager la scène et, surtout d’interpréter deux grands concertos de JSB avec James Ehnes, devrait rester dans leur mémoire longtemps.
Œuvre maîtresse et clou de la soirée, la Symphonie no. 1 en do majeur, Op. 21 de Beethoven. Et là, surprise, étonnement, ravissement. Le chef Rivard, qui dirigeait de mémoire, et l’OF ont livré une prestation digne d’un grand orchestre et d’un chef bien plus expérimenté que ne l’est le jeune Rivard. La vigueur qui semblait manquer aux cordes dans le Scalia était on ne peut plus présente. Les bois et les cuivres offraient toute la couleur dont Beethoven est l’un des maîtres et le timbalier a offert tout le soutien nécessaire à l’orchestre. C’est simple, on aurait dit que l’OF et son chef jouaient cette œuvre ensemble depuis plusieurs années.
Après l’ovation que cette dernière œuvre a suscitée, le chef a choisi de présenter une œuvre supplémentaire, soit une création de Suzie Gagnon, compositrice et accordéoniste qui a fait carrière, entre autres, avec le Cirque du Soleil. Mme Gagnon assurait elle-même la partie de l’accordéon. Joli morceau, joué avec entrain et sensibilité. C’était cependant presque dommage de ne pas rester là après le Beethoven…