La politique a toujours été présente dans les oeuvres de science-fiction. Si l’on excusera les négociations commerciales et les tractations sénatoriales de la prélogie de la Guerre des étoiles pour leur maladresse, force est d’admettre que les décideurs ne sont jamais bien éloignés des questions d’exploration spatiale ou des percées technologiques associées à la SF.
Sous la direction d’Hayden Trenholm, toutefois, un groupe d’auteurs de littérature de science-fiction ont décidé de tenter une expérience: parler de politique, certes, mais sans y associer les conflits, les guerres, les affrontements qui y sont habituellement accolés. Dans le recueil de nouvelles Strange Bedfellows – An Anthology of Political Science Fiction, publié aux éditions Bundoran Press, la vingtaine d’écrivains recentrent ainsi l’action autour du discours politique, plutôt que des combats à coups de laser auxquels le public est habitué.
Au départ, l’idée semble saugrenue. Après tout, la majorité des classiques du genre – Star Wars, Hyperion, la série Fondation d’Asimov, les oeuvres d’Iain M. Banks, etc. – comportent tous leur part de conflit. Même Star Trek, avec ses scénarios plus philosophiques, a ses passages où les personnages troquent les discours pour les armes.
L’habitude est telle que les auteurs du recueil eux-mêmes semblent éprouver de la difficulté à contourner les restrictions scénaristiques pour faire avancer leurs histoires sans s’empêtrer dans les franges du tapis littéraire. Certaines nouvelles donnent l’impression de se terminer trop tôt, voire même de tricher, particulièrement dans un texte où l’équipage d’un vaisseau spatial doit débattre de la pertinence d’attaquer ou non un engin pirate possiblement lourdement armé.
Ce qui ressort de la lecture, toutefois, c’est qu’il existe bel et bien un univers littéraire de science-fiction où il est entièrement possible d’éviter de tomber dans la « facilité » d’une logique d’affrontement armé. Bien entendu, recourir aux combats dans un récit, qu’il soit de science-fiction ou non, n’est jamais nécessairement un signe de faiblesse de la part de l’auteur. Le défi consiste plutôt à circuler sur cette mince ligne entre l’utilisation de la violence comme moyen de faire progresser l’histoire et le recours à cette même violence pour dissimuler des dialogues et des interactions pauvres. Car qui dit absence de violence dit davantage de réflexion, d’échanges, de débats. N’est-ce pas là le fonctionnement fondamental de la politique? Ne s’agit-il pas du domaine de la discussion, des tractations, des négociations? Certains diront que la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens. Mais cette vision du monde est simpliste, voire grossièrement dangereuse. À l’image de la situation géopolitique post-Deuxième Guerre mondiale, le noir et le blanc se sont complexifiés pour offrir une vaste gamme de gris.
Strange Bedfellows, sous la direction de Hayden Trenholm. Publié aux éditions Bundoran Press, 296 pages.
Un commentaire
Et on peut même élargir :
« Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique », Raisons politiques, 2010/4 (n° 40)
URL : http://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2010-4-page-97.htm