Un vaisseau. Quelques milliards de kilomètres cubes d’espace froid et mortel, avec des stations spatiales ici et là. Un terrain de jeu quasi-infini. Bienvenue dans Elite: Dangerous.
Lancé en 2014 sur PC, puis sur OS X et Xbox One l’année suivante, pour finalement faire son apparition sur PlayStation 4 il y a quelques jours, à la fin du mois de juin, Elite: Dangerous est un jeu d’exploration, d’action et de simulation de vol et de combats spatiaux. Avec un vaisseau passablement simple et un petit montant d’argent à leur disposition, les joueurs doivent lentement gravir les échelons de la richesse et du pouvoir dans la galaxie en accomplissant diverses missions, qui vont du transport de marchandises à l’exploitation minière, en passant par le tourisme, l’assassinat, ou encore le vol d’informations ou de cargo.
Pour les initiés, Dangerous est en fait le quatrième volet de la série Elite, série qui a fait ses honorables débuts en… 1984, et dont la précédente déclinaison remontait déjà à 1995. Déjà, à l’époque, le premier opus surprenait par son ampleur et la richesse de son monde. Trente ans plus tard, les développeurs de chez Frontier Developments, forts d’une campagne de sociofinancement plus que réussie, ont décidé de frapper un grand coup en faisant passer la saga à la vitesse supérieure. En plus de calquer l’écoulement du temps dans le jeu sur la vitesse réelle des aiguilles des horloges terrestres, Frontier a inclut une version massivement multijoueur qui comprend certaines règles – y compris l’interdiction d’échanger des insultes ou de se regrouper en « meutes » pour faire la chasse aux plus faibles -, mais qui porte aussi à croire que la vie y est probablement moins facile que dans la version solo. C’est d’ailleurs à cette dernière version que s’est cantonné ce journaliste, en étant bien conscient de l’aspect abrupt de la courbe de difficulté lorsqu’il est question d’apprendre la base d’un jeu au sein duquel les participants les plus expérimentés ont disposé de plusieurs années pour en saisir les mécaniques et s’équiper plus que convenablement.
D’ailleurs, nul besoin de se tourner immédiatement vers la version multijoueurs pour contenter les amateurs de sensations fortes. Après tout, Elite: Dangerous fait partie de ces jeux dont le principe fondamental semble être de fournir quelques informations aux nouveaux venus, puis de les lâcher dans la proverbiale fosse aux lions pour tenter de voir s’ils seront en mesure de se débrouiller. Avec son temps qui n’arrête jamais de s’écouler, y compris lorsque le joueur appuie sur la touche Échap. pour afficher le menu principal; la nécessité de parvenir à un équilibre délicat entre la vitesse, la portée, la résistance, la capacité de stockage et l’agressivité de son vaisseau; ou encore les nombreuses méthodes par lesquelles il est facile de mourir, Elite: Dangerous fait tout sauf prendre les néophytes par la main. Il est même particulièrement facile, si l’on ne prévoit pas correctement ses arrêts pour faire le plein, de tomber en panne de carburant dans un système solaire entièrement désertique. Oui, il est possible d’ajouter un module permettant de récupérer du carburant en frôlant la corolle des étoiles, mais cet aspect du jeu est à l’image de l’ensemble, voire à l’image de notre propre univers: personne n’a jamais dit que l’exploration spatiale était chose facile.
À l’aune de cette vastitude, la question se pose: qu’a-t-on vraiment à faire, dans Elite: Dangerous? L’interrogation est légitime: pendant les premières heures, voire les premières dizaines d’heures de jeu, le nouveau venu ira en gros du point A au point B, et retour. Décoller d’une station spatiale, rétracter les patins d’atterrissage, passer en hyperespace, approcher la station spatiale visée, demander le droit d’atterrir, sortir les patins d’atterrissage, se positionner correctement pour atterrir dans le bon sens… La chose peut devenir abrutissante, voire agaçante. On a bien saupoudré, ici et là, des pirates et des flibustiers spatiaux qui tenteront de s’en prendre à notre cargaison, mais il faudra au final plusieurs heures de ces missions redondantes pour monter suffisamment en grade et que les missions offertes soient un peu plus enlevantes.
Oui, les développeurs ont multiplié les possibilités d’exploration et de découverte depuis le lancement du jeu. En plus de la possibilité d’atterrir sur diverses planètes depuis la mise en ligne d’Horizons, la passe de saison comprenant les principaux contenus offerts depuis 2014, voilà quelques semaines que les joueurs ont droit au « retour » d’une puissance extraterrestre mystérieuse, avec le surplus d’exploration et de questionnements que cela suppose.
Ne le nions pas: Elite: Dangerous n’est pas pour tout le monde. Le jeu pardonne rarement, et ne semble pas disposer de certains raccourcis qui faciliterait la prise en main. Combien de fois ce journaliste a-t-il dû chercher des informations spécifiques sur internet? Des passionnés ont même créé des outils pour faciliter les échanges commerciaux, par exemple, avec une liste de systèmes solaires, stations spatiales et planètes vendant ou achetant l’une ou l’autre des dizaines de ressources ou produits finis qui circulent dans le jeu. Tant mieux si le titre suscite un tel enthousiasme, mais le « réalisme » devait-il nécessairement impliquer de devoir laisser filer son vaisseau à basse vitesse dans le vide intersidéral pour consulter l’équivalent d’un manuel? Ou de devoir planifier des excursions de dizaines de sauts en hyperespace pour récupérer des composantes spécifiques? Le tout pour quelques milliers de crédits seulement?
Peut-être que l’on aime un peu détester ce jeu. Mais ce que les gens de Frontier ont réussi, peu de développeurs l’ont accompli: non seulement laissent-ils entrevoir un univers de possibilités auquel le joueur aura peu à peu un accès sans restrictions, mais ils ont prévu suffisamment d’étapes pour que l’atteinte de ce plateau, l’atteinte de cet objectif en vaille la peine.
Le contre-exemple est frappant: si le récemment paru Starpoint Gemini: Warlords est un jeu fort agréable, par exemple, avec cet aspect « Mount and Blade: Warband dans l’espace » qui suscite un vif enthousiasme de la part des amateurs du genre, après une première partie dépassant de peu les 60 heures, il apparaît, sans avoir nécessairement conquis l’ensemble de l’univers offert, que la montée en puissance du joueur a atteint ses limites. Les ressources recueillies à chaque « tour » dépassent très largement les dépenses encourues, les autres factions ne donnent aucunement l’impression de vouloir se liguer contre la faction franchement agressive du joueur, et le vaisseau piloté depuis bientôt une vingtaine d’heures est pratiquement invincible, sauf s’il n’est pas accompagné de sa flotte d’escorte.
L’attrait d’un jeu du genre dépend-il seulement de la lenteur de la progression du joueur? Existe-t-il, alors, des différences marquantes entre une progression bien pensée et une autre qui offre sensiblement les mêmes résultats, mais qui donne l’impression d’être forcée par les développeurs pour maximiser le temps de jeu?
Elite: Dangerous n’est probablement pas un grand jeu. Mais c’est assurément un bon, voire un très bon titre, qui saura plaire aux amateurs de science-fiction. À se procurer… du moment que l’on soit prêt à y consacrer plusieurs dizaines d’heures.
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