Mais qu’allait-on donc faire dans cette galère? Voilà que la célèbre phrase du Menteur, de Corneille, vient à l’esprit en écoutant, un dimanche en fin de soirée, la reprise du classique Conan the Barbarian sortie en 2011. S’il est vrai que l’original, mettant en vedette nul autre qu’Arnold Schwarzenegger, était loin d’être parfait, la reprise, elle, est tout simplement immonde.
Dans un monde sauvage où le faible plie sous la loi du plus fort, des tribus barbares s’efforcent de protéger une relique sacrée permettant, à celui qui la possède, de tenter de conquérir le monde. Ce qui devait arriver arriva: après plusieurs années à chercher les morceaux de ladite relique répartis entre les diverses tribus, le seigneur de guerre Khalar Zym (Stephen Lang) met finalement la main sur la pièce manquante, décimant la tribu gardienne au passage et poussant un jeune barbare, Conan, à espérer, un jour, venger la mort de son père.
Si la trame narrative, maintes fois exploitée dans d’autres films du genre, ressemble largement au Conan original, le studio a décidé, cette fois, d’y ajouter l’histoire de l’éducation du futur combattant. On a donc droit à une vingtaine de minutes où un Ron Perlman attifé de la barbe factice la plus ridicule de tous les temps tente de contenir l’ardeur guerrière de son fils, avant de mourir aux mains des forces du mal. Jusque là, d’accord, il n’y a rien de mal à varier un peu les plaisirs, ni à donner un peu plus de substance au personnage. Le hic – et ce problème est frappant tout au long du film -, c’est qu’en voulant relancer l’histoire du célèbre barbare apparu depuis 35 ans dans quantité d’oeuvres culturelles, y compris, récemment, dans le jeu multijoueurs Conan Exiles, c’est que les producteurs (et les autres membres de l’équipe) n’ont pas compris qu’il ne suffisait pas de jeter pèle-mêle les ingrédients du premier film dans un bol, de changer les acteurs et d’espérer que le résultat soit à la hauteur des attentes.
Le scénario est particulièrement pauvre, soit, alors que tout l’aspect « gagner en maturité » du premier Conan disparaît, pour ne laisser place qu’à une quête beige et sans goût, mais combinez cela à des effets spéciaux stériles et un jeu d’acteurs abyssal, et vous obtenez un ratage quasi-total. Encore une fois, le film de 1982 avait ses défauts. Beaucoup de défauts, même. Mais l’oeuvre avait cette patine, cet aspect usé qui lui conférait un côté fantastique. Plutôt que d’avoir un acteur (Jason Momoa) qui gesticule en brandissant une épée aux allures de plastique, et qui, en compagnie de ses collègues, grimace à tout-va en hurlant, on avait un Arnold désirant venger la mort de son père et dont la quête s’inscrivait directement au coeur de son identité comme barbare. Pour lui, laver son honneur et venger son géniteur lui ouvrira les portes du paradis. Et afin d’y parvenir, il faudra affronter quantité d’ennemis, certes, mais des ennemis qui « semblent » réels, et non pas seulement des méchants génériques portant tous le même uniforme. On a plutôt droit à des costumes bigarrés, des costumes sales, incrustés de sable et de poussière. Les armes semblent lourdes, et si le sang gicle lorsque les coups portent, les effets spéciaux tiennent des exploits des spécialistes en maquillage, et non pas des gens assis devant leurs ordinateurs, à ajouter des geysers rouges en post-production.
Que dire, aussi, de la musique? Celle du remake est parfaitement oubliable, beaucoup trop générique pour son propre bien. Celle de l’originale est intemporelle, évoquant à elle seule les aventures épiques d’un barbare en pagne traversant les déserts d’Heboria, avec une épée comme seul compagnon.
Peut-être que Conan the Barbarian – la version de 1982 – est trop idéalisée, trop portée aux nues, le temps agissant comme un vernis venant gommer les imperfections pour ne laisser qu’un bon souvenir. Peut-être, aussi, que ces mêmes imperfections sont devenues, avec l’âge, autant de points positifs pour un film qui a gagné en notoriété avec le temps. Mais tout cela aurait justement dû faire réaliser aux producteurs qu’un remake ne pourrait jamais être à la hauteur de l’original. On a droit, en fait, à une bouillie indigeste s’étirant sur deux longues heures. Évitez cette reprise comme la peste. La version de 1982 est d’ailleurs disponible sur Netflix. Il n’y a donc aucune raison de s’intéresser à la reprise.
https://www.youtube.com/watch?v=QMg8R1iz848