Ah, Red Alert… l’un des très, très grands classiques des jeux de stratégie en temps réel. L’un de ceux qui ont à ce point influencé le genre qu’on en trouve encore des traces dans les titres d’aujourd’hui. Mais à l’aune d’une franchise qui aura eu ses hauts et ses bas en près de 20 ans, force est d’admettre que la nostalgie imprime peut-être sa teinte rosée aux souvenirs.
C’était en 1996: galvanisé de l’immense succès remporté par Command and Conquer, l’année précédente, le développeur Westwood Studios publie ce qui n’est ni une suite, ni une banale couche de peinture ajoutée à une machine bien huilée. Pourtant, le néophyte pourrait facilement penser que Westwood a tiré profit de sa notoriété pour réussir un coup en douce, histoire de solidifier ses résultats financiers. Après tout, l’engin graphique est sensiblement le même, tout comme les mécaniques de jeu. Le principe d’une partie est souvent très simple: développer une base, exploiter des ressources, puis construire suffisamment d’unités pour annihiler l’ennemi. Toutefois, si l’on s’en tient à ces considérations, n’est-ce pas là le fonctionnement fondamental de tous les jeux de stratégie en temps réel?
L’histoire de Red Alert est paradoxalement aussi simple que complexe: en développant une machine à voyager dans le temps, Albert Einstein parvient à tuer Hitler avant l’instauration du Troisième Reich. Ce faisant, toutefois, il fait disparaître les barrières bloquant l’expansion soviétique vers l’Ouest. Résultat, l’armée rouge déferle sur les terres d’Europe occidentale, poussant les Alliés dans une Deuxième Guerre mondiale passablement étrange.
Aux commandes des forces alliées ou soviétiques, le joueur devra mener à bien la conquête de l’URSS ou des capitales alliées pour le bien des leaders de l’un ou l’autre des deux camps. Et pour ce faire, il aura à sa disposition une pléthore d’unités parfois farfelues, ou encore terrifiantes. Vingt ans plus tard, impossible d’oublier certaines des unités les plus iconiques: Tanya, d’abord, la saboteuse pratiquement invincible contre l’infanterie, et qui ne fait qu’une bouchée des structures ennemies; le tank Mammouth soviétique, ensuite, gigantesque engin de fer et de mort capable d’attaquer au sol et dans les airs, ou encore l’indémodable bobine Tesla, aux mortelles décharges électriques.
Red Alert, c’est aussi ces séquences vidéo tournées avec de vrais acteurs, en pleine époque où bon nombre de jeux profitaient des nouvelles capacités de stockage des CD-ROM pour offrir de la full motion video – avec des résultats bien souvent douteux, voire ridicules. Red Alert n’échappe d’ailleurs pas complètement à cette tendance rigolote. Le jeu des acteurs n’est pas complètement nul, mais disons que la tendance à surjouer légèrement contribue à l’attrait du titre. Et que dire de la musique? Que dire de Hell March? Ce rock industriel aux accents électro typique des années 1990?
Red Alert, par ailleurs, est connu pour ses missions solo, oui, mais surtout pour sa déclinaison multijoueurs. À une époque où la possibilité de jouer en réseau via les mêmes protocoles en vigueur aujourd’hui n’était encore qu’un rêve un peu fou, il fallait se tourner vers les connexions IPX, série, ou encore vers les connexions par modem que l’on devait se tourner. De nombreuses heures ont été consacrées à jouer en réseau via une connexion téléphonique, le jeu n’ayant besoin que de 56 000 bauds pour permettre de cribler de cratères le champ de bataille choisi pour l’occasion.
Avec tout cela, faut-il comprendre que Red Alert est un jeu parfait? Oui… et non: si la prise en main est particulièrement rapide et facile, il est sûr que certains aspects ont mal vieilli depuis vingt ans. Si l’on peut excuser l’absence de fonction zoom, l’impossibilité de lancer des listes de production, et l’obligation, donc, de microgérer quasiment à l’extrême la conduction de structures et d’unités, tombe rapidement sur les nerfs. Heureusement, ces problèmes ont été en partie réglés avec OpenRA, une version remasterisée de Command and Conquer et Red Alert créée par des amateurs, et ayant reçu l’approbation des gens de chez Westwood.
Il n’en reste que le fonctionnement du jeu est peut-être trop simple au goût de certains. Aujourd’hui, les jeux de stratégie présentent habituellement plus d’options de gestion, des possibilités stratégiques et militaires plus poussées, etc. Pour une expérience rétro, avec la simplicité que cela peut impliquer, toutefois, Red Alert demeure un incontournable. Peut-être même davantage, d’ailleurs, que son successeur Red Alert 2, lui aussi particulièrement réussi.