Le rencentrage de la première ligne de soins de santé au Québec, qui est passée des CLSC aux groupes de médecine familiale (GMF), ne s’est pas déroulée sans heurts, estime l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
Dans une note d’information, l’IRIS écrit ainsi que ces GMF n’ont non seulement pas amélioré l’accès aux soins, mais font également courir le risque d’une rupture de services pour la population.
« Tout d’abord, miser sur les GMF n’a pas permis d’améliorer l’accès aux soins de santé et aux services sociaux. Non seulement le nombre d’inscrits auprès d’un médecin de famille a diminué, mais la transformation de cliniques médicales en GMF ainsi que le transfert de personnel des CLSC vers ceux-ci réduisent l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les personnes non inscrites en GMF », analyse Anne Plourde, chercheure-associée et auteure de la note.
Au dire de l’IRIS, la proportion de Québécois inscrits auprès d’un médecin de famille est ainsi passée de 75,5%, en 2003, à 63,8% en 2014. Si ce taux est remonté à 73% en 2016, il s’agit tout de même d’un résultat inférieur aux données d’une dizaine d’années auparavant. Et pour les chercheurs, cette remontée est majoritairement imputable à la loi 20, qui pousse les médecins de famille à suivre davantage de patients, sous peine de pénalités financières.
« Le transfert de ressources des CLSC vers les GMF représente également une forme de privatisation. Bien que les GMF soient entièrement financés par des fonds publics, ce sont pour la plupart des cliniques privées qui appartiennent aux médecins et qui sont gérées de manière privée par ceux-ci. Le gouvernement a donc très peu de contrôle sur la façon dont sont utilisées les ressources publiques investies et il peine à faire respecter ses conditions. Si l’on tient compte des trois critères d’accessibilité́ retenus par le ministère, on constate que seuls 17 % des GMF avaient en 2014 le nombre requis d’inscriptions, offraient eux-mêmes la totalité́ des heures d’ouverture requises et avaient un taux d’assiduité́ de 80 % ou plus. Et malgré les nouvelles mesures contraignantes imposées par le ministère depuis 2015, près du tiers des GMF n’atteint toujours pas le taux d’assiduité requis », poursuit Mme Plourde.
Enfin, écrit la chercheure, si le ministère de la Santé et son titulaire, le Dr Gaétan Barrette, désirent réellement agir pour prévenir les maladies plutôt que simplement les traiter, ce sont les CLSC qui sont les mieux placés pour y parvenir. Une autre raison, probablement, pour faire coexister les deux entités, voire d’envisager un retour en arrière dans ce domaine.